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LA SITUATION INTELLECTUELLE ET MORALE

médicaux, un par département, s’acquittaient du soin de délivrer les diplômes exigés par la loi aux officiers de santé, pharmaciens, herboristes et sages-femmes.

La pacification générale des esprits après le coup d’État de brumaire, assura en Belgique aux lycées et aux collèges le succès qui avait été refusé aux Écoles Centrales et qu’expliquent d’ailleurs leurs concessions au sentiment religieux et aux traditions pédagogiques du passé. Si la noblesse s’abstint en général de les fréquenter, la bourgeoisie assura leur recrutement. Quantité de collèges furent institués soit par les municipalités des villes, soit par des maîtres particuliers, et l’instruction, interrompue depuis l’invasion de 1794, reprit son cours normal.

Il faut constater cependant que l’enseignement populaire resta déplorable. Manifestement, les autorités s’en désintéressèrent presque toujours, et cela s’accorde bien avec la disparition croissante des tendances démocratiques et le caractère de plus en plus « censitaire » du gouvernement et de la société. De son côté, le clergé se méfiait des écoles ouvertes par les municipalités et l’obligation de se soumettre à l’inspection le détournait d’en organiser lui-même. L’indifférence des pouvoirs publics et les scrupules religieux nuisirent donc également à l’instruction du peuple. En 1812, Thomassin constate que, dans le département de l’Ourthe, les écoles élémentaires sont bien moins nombreuses qu’avant la Révolution[1]. Dans l’Escaut, Faipoult note l’ignorance générale des paysans, presque tous illettrés. Dans l’Ourthe, Micoud d’Umons, en 1807, remarque que plusieurs communes n’ont ni écoles primaires ni écoles particulières. La situation n’était pas meilleure dans les villes où, comme on l’a vu plus haut, l’atelier détournait de l’école les enfants de la classe ouvrière. Le gouvernement ne fît rien pour remédier à cet état de choses[2]. Il semble l’avoir accepté comme une conséquence de l’ordre social. Était-il nécessaire au recrutement des armées

  1. Mémoire statistique du département de l’Ourthe, p. 288. Il ajoute, p. 276, qu’un septième à peine de la population sait lire et écrire.
  2. Cf. A. Sluys, Geschiedenis van het onderwijs, p. 156 et suiv.