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GUILLAUME D’ORANGE ET LES ALLIÉS

et l’intérêt dynastique disposent des hommes et des territoires.

Le prince revendique non seulement la Belgique, mais la rive gauche du Rhin jusqu’à la Moselle. Castlereagh, préoccupé de la Prusse, veut restreindre ses prétentions à une ligne qui ne dépasserait pas Malines, Maestricht, Juliers et Cologne ou même Dusseldorf. Pourtant les terres dont on dispose ainsi sont toujours occupées par la France, et l’imagination peut se donner carrière aussi longtemps qu’elle ne se donne carrière que sur le papier. Mais l’insurrection de la Hollande, le débarquement de Guillaume à Scheveningen et bientôt après l’occupation de la Belgique par les alliés transformèrent, en 1814, la possibilité en réalité. Aussitôt l’activité de Guillaume se déploie. Il cherche fébrilement à prendre les devants et à placer les Puissances devant le fait accompli. Ses émissaires se répandent par la Belgique[1] ; il envoie à l’état-major de Bulow, le comte van Zuylen van Nievelt comme agent politique ; à Gand, il est en rapport avec les industriels Huyttens et Bauwens. Des brochures pleines de promesses cherchent à lui gagner le clergé et la noblesse. Elles dévoilent les perspectives les plus engageantes. Les Belges étant plus nombreux que les Hollandais, quel rôle ne sont-ils pas appelés à jouer dans un royaume où ils exerceront évidemment l’influence essentielle ! Tout est mis en œuvre pour capter l’opinion. À Bruxelles, des gens du bas peuple, gagnés à prix d’argent crient « Oranje boven ! » Le duc de Clarence fait applaudir à l’opéra le fils de Guillaume, le jeune prince Frédéric[2]. Les gazettes regorgent d’articles de propagande. Sans doute, la répugnance des Belges à accepter une union avec un peuple calviniste n’est pas douteuse. Mais enfin tant d’efforts risquent de créer parmi eux une agitation fâcheuse. Il importe qu’ils attendent sans parler l’avenir qu’on leur réserve, et l’impatience de Guillaume pourrait les pousser à protester. D’ailleurs elle est intempestive et outrecuidante. Lui aussi, doit s’incliner devant le droit de conquête des alliés.

  1. Ch. van Outryve d’Ydewalle, Une campagne de propagande hollandaise en Belgique en 1815. Revue Générale, 1925.
  2. Gedenkstukken 1813-1815, p. 42, 56, 327, 428, 460, 470, 513, 515.