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L’AMALGAME

qu’elle substitue la monarchie à la souveraineté du peuple, mais de l’œuvre napoléonienne, elle respecte tout l’essentiel : l’égalité civile, la communauté des droits et des devoirs, l’abolition des privilèges héréditaires et surtout la puissance conférée au chef de l’État. Le prince est, à vrai dire, un empereur au petit pied. Tous les pouvoirs essentiels, il les possède. En face de lui, l’assemblée nationale, à laquelle on a conservé le vieux nom historique d’États-Généraux, privée d’initiative et ne votant annuellement que le budget des dépenses extraordinaires, n’a guère plus d’influence que le Corps législatif de Napoléon. Aucune trace de régime parlementaire. Les ministres, choisis par le prince et responsables devant lui seul, ne sont que de simples commis. L’unique Chambre dont se composent les États-Généraux ne délibère pas en public et n’est en réalité qu’un intermédiaire entre le pays légal et la couronne, sans qu’elle puisse exercer d’action sur le gouvernement. Ce n’est pas un régime constitutionnel, c’est un pur régime monarchique qu’instaure cette constitution. Comme dans l’Empire français, l’administration tout entière dépend du souverain. En revanche, et en cela apparaît la tradition nationale, les provinces jouissent d’une autonomie assez large : elles sont dirigées par des États-Provinciaux qui désignent leurs représentants aux États-Généraux.

Tout est soigneusement combiné d’ailleurs pour soumettre ces assemblées à la classe possédante. Par elles, les censitaires sont, dans une certaine mesure, appelés sinon à partager le pouvoir, du moins à collaborer avec lui. S’ils abandonnent beaucoup au prince, en revanche le prince est le garant de leur prépondérance sociale. Dans cette loi fondamentale faite pour le descendant de ces stadhouders qui si souvent, contre les régences aristocratiques, se sont appuyés sur le peuple, on ne découvre pas le moindre soupçon de démocratie. Évidemment, ce qu’attendent du prince les bourgeois qui l’ont appelé, c’est avant tout le rétablissement de l’ordre, le retour de la prospérité commerciale, la renaissance des affaires, et s’ils se rangent sous son sceptre, c’est qu’il leur apparaît sous la forme d’un caducée. Ils lui font confiance encore parce qu’il renoue le