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L’AMALGAME

Il fallut bien accepter aussi le partage égal des dettes : 589 millions de florins pour la Hollande contre 27 millions pour la Belgique. Mais la lutte s’engagea sur tous les points où la discussion était possible.

Malgré la divergence de leurs conceptions politiques, tous les Belges étaient d’accord pour réclamer, en faveur de leur patrie, une égalité complète avec la Hollande. Que fallait-il entendre par la représentation « convenable » qui leur était promise aux États-Généraux ? Ce « convenable » devait signifier sans doute qu’elle serait proportionnelle à la population. Mais c’eût été donner au Midi, qui comptait plus de trois millions d’habitants, une écrasante prépondérance sur le Nord qui n’en renfermait guère que deux millions. Après des débats orageux, on s’entendit enfin pour donner à chaque partie du royaume la même représentation aux États. Des 110 membres de l’assemblée, 55 seraient députés par la Hollande, 55 par la Belgique. Du coup l’égalité était rompue par celle-là au détriment de celle-ci et l’ « amalgame » des deux pays paraissait à l’avance bien problématique. À mesure que la discussion se prolongeait, l’opposition se révélait de plus en plus frappante entre les commissaires. Évidemment, sur les questions fondamentales, ils ne s’entendaient pas. On ne pouvait demander aux Belges de partager la confiance et l’attachement que les Hollandais professaient pour le roi. Il leur était inconnu et sa qualité d’étranger avivait encore la répugnance qu’ils nourrissaient tous à l’égard du pouvoir central. Conservateurs et libéraux s’accordaient en ceci que la nation devait l’emporter sur le prince. Si les uns regrettaient les anciens États dont les privilèges s’étaient jadis opposés à l’absolutisme de Joseph II, les autres, comme les libéraux français, avaient pour idéal politique un gouvernement parlementaire à l’anglaise, et leurs collègues hollandais leur reprochaient leur goût pour les « théories » et s’indignaient de les voir imbus « d’idées françaises » et pour tout dire « démocratiques »[1].

Ils allaient jusqu’à se considérer comme les « mandataires »

  1. Gedenkstukken 1813-1815, p. 774.