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L’INSTALLATION DU RÉGIME

par exemple, traitèrent les Polonais. Il se proposa non de subordonner une partie de ses sujets à l’autre, mais de les adapter les uns aux autres par l’action de son gouvernement. Son œuvre, comme celle des souverains éclairés du XVIIIe siècle, fut purement monarchique. C’est moins l’unité de civilisation que l’unité politique qu’il eut en vue. Sa tentative même d’imposer la langue néerlandaise aux provinces belges s’explique avant tout par l’intérêt de l’État.

Mais pour atteindre au but qu’il visait, il fut bien obligé de recourir de préférence à des Hollandais. Il était sûr de rencontrer parmi eux un dévoûment absolu à sa personne et à ses desseins. S’il les favorisa ce fut sans doute beaucoup plus à cause de leurs sentiments monarchiques qu’à cause de leur nationalité. Pour peu qu’on y réfléchisse, on comprend qu’il lui était impossible de livrer l’administration à ces Belges qui avaient rejeté la Loi fondamentale et dont la plupart soutenaient contre lui les protestations des évêques. Il utilisa tous ceux d’entre eux qui étaient utilisables. Ce n’est pas sa faute s’ils ne constituèrent jamais qu’une minorité. S’il fut ou plus exactement, s’il parut être injuste à leur égard, on doit reconnaître que cette injustice était inévitable.

Son administration ne s’inspira pas du tout de l’esprit hollandais mais de l’esprit napoléonien. Si bizarre que cela puisse paraître à première vue, on y retrouve tous les traits fondamentaux du gouvernement impérial. Qu’importe que les préfets et les départements portent maintenant les noms de gouverneurs et de provinces s’ils n’en continuent pas moins à fonctionner comme auparavant ? Sans doute, l’identité n’est pas complète. La Loi fondamentale ne permet pas le retour à l’arbitraire et au despotisme policier des derniers temps de l’Empire. Mais il n’en est pas moins évident que, sous le règne de Guillaume, l’administration a été aussi complètement l’instrument du souverain, a exercé une action aussi profonde, a été aussi irresponsable vis-à-vis de la nation, que sous le règne de Napoléon. N’est-il pas caractéristique que, dès les premiers jours, le roi se soit entouré de parti-pris d’hommes formés au service de l’État français ? Si van Maanen, de Coninck-Out-