témoigne en faveur des pamphlétaires français une mansuétude qui touche à la complicité. Lui, si ardent à poursuivre les journalistes belges, il se retranche maintenant derrière la Loi fondamentale et invoque la liberté de la presse. Visiblement il est bien aise d’une campagne qui, puisqu’elle attaque le cléricalisme des Bourbons, condamne en même temps le cléricalisme belge. Il jouit agréablement, au surplus, des louanges dont le comblent ses protégés et du libéralisme dont ils lui font gloire. Il laisse le prince d’Orange leur manifester publiquement des sympathies compromettantes. Il n’a vraisemblablement pas tout connu du complot ridicule où la vanité du prince l’a entraîné en 1816 dans l’espoir insensé de détrôner Louis XVIII à son profit, avec l’aide des bonapartistes[1]. Il est impossible pourtant qu’il en ait tout ignoré et du moins peut-on lui reprocher, en cette affaire, d’avoir sacrifié à sa complaisance pour les libéraux français et à son antipathie pour les Bourbons, la correction que lui imposait sa mission européenne.
Il n’a pas assez de pénétration d’ailleurs pour observer que les réfugiés, par leur prestige, par leur talent, par l’action sociale qu’ils exercent, répandent autour d’eux cette influence française dont il voudrait affranchir la Belgique. Sous l’Empire, Bruxelles, réduit à n’être plus qu’une simple préfecture, n’avait eu que l’activité intellectuelle d’une ville de province. Et voici que dans le même moment où il est élevé au rang de seconde capitale du royaume des Pays-Bas, il devient un ardent foyer de propagande politique libérale et d’agitation politique. L’activité qu’y déployent les réfugiés le fait sortir peu à peu de son engourdissement et de son apathie. L’opinion se passionne pour leurs polémiques, s’intéresse à leurs principes, s’inspire de leurs idées, s’éprend de leur style, de leur esprit, de leur faconde et, dominée par eux, s’oriente toujours davantage vers la France et vers Paris. Incontestablement, les gens
- ↑ Gedenkstukken 1815-1825, t. I, p. 486, 601, 605. 609, 611, 615. Il recommença en 1820. Ibid., p. 264, 278. Pour sa participation au complot bonapartiste d’août 1821, voy. de Noailles, Le comte Molé, t. IV, p. 358 (Paris, 1925).