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L’INSTALLATION DU RÉGIME

industriels de l’intéresser à leurs affaires. Cette singulière institution, soustraite à tout contrôle et ne dépendant que du roi, lui abandonnait en matière économique une influence extraordinaire. Le syndicat possédait l’administration des domaines, celle des capitaux avancés par l’État pour l’encouragement des fabriques, de la pêche et de l’agriculture et celle de la caisse de consignation. Propriétaire d’immeubles, de canaux, de mines, il se lançait dans des spéculations couvertes d’un « voile légal » sous lequel se confondaient, dans une obscurité mystérieuse, l’intérêt privé du souverain avec celui de l’État.

Il faut ajouter encore que la politique extérieure de Guillaume, tout en continuant à entretenir son prestige auprès des libéraux, contribua très habilement à fortifier la situation économique du royaume. S’il reconnut sans hésiter, au grand scandale de la Sainte Alliance, la révolution d’Espagne et celle des colonies de l’Amérique du Sud, c’est que les débouchés commerciaux que cet opportunisme assura à son royaume, lui parurent bien valoir une stérile satisfaction d’amour-propre monarchique[1].

Des résultats aussi tangibles et aussi avantageux ne pouvaient manquer d’agir sur l’opinion publique. Guillaume put s’en apercevoir à l’accueil qu’il reçut en 1823 durant un voyage d’inspection dans les provinces méridionales. En 1824, le ministre autrichien constate que la situation s’est singulièrement améliorée en Belgique, où l’on commence à reconnaître que le roi ne sacrifie pas la nation à la Hollande. D’après le Prussien Galen, en 1826, l’état du royaume est hautement satisfaisant et une « véritable solidarité » commence à s’établir entre ses deux parties[2]. La bourgeoisie catholique se ressent trop favorablement de la reprise des affaires pour ne pas mettre une sourdine à son opposition. À partir de la mort du prince de Broglie, elle cesse de combattre la Loi fondamentale. Sans doute, la politique libérale du roi continue à

  1. Gedenkstukken 1825-1830. t. I, p. 207.
  2. Sur cette amélioration de l’opinion, voy. Gedenkstukken 1815-1825, t. I, p. 325, 575, 673, 691. Ibid., 1825-1830, t. I, p. 207, 258, 261, 264, 349.