Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/347

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
327
OPPOSITION PARLEMENTAIRE

la déférence de l’assemblée n’en impose plus désormais. On leur objecte Benjamin Constant, on les rappelle à l’observation de la « division des pouvoirs », on ose taxer d’absolutisme le système politique du gouvernement[1]. Jusqu’alors aucune incompatibilité de principes ne s’était révélée entre les ministres et la Chambre. Et voilà que brusquement elle éclate, et qu’à la théorie du gouvernement personnel répond dans toute sa netteté la théorie du gouvernement parlementaire. Déjà des bancs de l’opposition s’élève la menace de refuser le budget, « cette ultima ratio d’un député »[2]. Manifestement un esprit nouveau vient de se révéler qui désoriente le pouvoir. Et c’est là un symptôme d’autant plus grave que la Chambre, soigneusement triée sur le volet par les gouverneurs des provinces, semblait devoir échapper à l’influence de l’opinion. Puisqu’elle la subit cependant, il faut donc que les électeurs censitaires, si longtemps indifférents à la vie politique, aient secoué leur apathie. En effet, à partir de 1828, ils commencent à s’intéresser aux élections et ne craignent point d’entamer la lutte contre l’autorité qui prétend déterminer leurs choix.

L’offensive parlementaire de l’opposition eut pour premier résultat de séparer définitivement au sein des États-Généraux, les députés belges des députés hollandais. Si marquée qu’eût été jusqu’alors la division entre les deux groupes nationaux qui siégeaient côte à côte dans la seconde Chambre, jamais encore elle n’avait été poussée au point de devenir une cassure. La communauté de vues qui durant longtemps avait existé entre les anciens libéraux belges et les représentants du Nord, avait tant bien que mal retardé le moment où l’assemblée devait se répartir en fractions, inconciliables parce que la différence de leurs principes coïncidait désormais avec celle de leurs nationalités. Ici, les Belges gagnés au régime parlementaire, là, les Hollandais, obstinément fidèles au gouvernement personnel. La session des États se termina pourtant sans éclat décisif. Après des discussions passionnées, la motion de

  1. De Gerlache, op. cit., t. III, p. 136.
  2. Ibid., p. 148.