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LES PARTIS ET LE GOUVERNEMENT

au moyen desquelles ils espèrent gouverner l’État et son chef », ce réquisitoire s’achevait par la menace d’exiger la séparation administrative de la Belgique d’avec la Hollande[1].

Le conflit constitutionnel en arrivait donc à se transformer en un conflit portant sur l’existence même de l’État. L’opposition poussée à bout glissait du terrain légal à l’agitation révolutionnaire. Aucune conciliation n’était plus possible. La force seule pourrait décider entre des adversaires qui avaient définitivement cessé de s’entendre sur les bases mêmes de la constitution. Le 8 janvier 1830, six fonctionnaires belges ayant voté contre le budget à la seconde Chambre des États-Généraux étaient destitués. Aussitôt, une souscription patriotique s’organise en leur faveur. Dans le Courrier des Pays-Bas, de Potter expose le plan d’une « confédération » destinée à soutenir tous ceux qui résisteraient au pouvoir[2]. Le gouvernement la considéra comme un appel à la révolte et l’indice d’un complot tramé contre lui. Un nouveau procès, où furent impliqués avec de Potter, le libéral Tielemans et les catholiques Bartels et de Néve, souleva une agitation passionnée. Entre le ministère public et les défenseurs, ce n’étaient plus les accusés qui étaient en cause, mais l’État et le peuple.

L’issue des débats n’était pas douteuse. Les prévenus furent condamnés au bannissement (30 avril 1830). Quatre mois plus tard, ils devaient rentrer à Bruxelles en triomphateurs.




  1. Pour apprécier le chemin parcouru, il faut se rappeler que le 21 août 1829, le Catholique des Pays-Bas protestait contre le « désir coupable qu’on nous suppose d’une séparation entre le Nord et le Midi ». Bartels, loc. cit., p. 124. Quatre mois plus tard, Jottrand consacre une brochure à démontrer la solidité du royaume des Pays-Bas (Garanties de l’existence du royaume des Pays-Bas. Bruxelles, 1829). Déjà pourtant les idées commençaient à ce moment à se prononcer pour « le régime qui est à la veille de trouver son application en Irlande » (Bartels, loc. cit., p. 167), c’est-à-dire pour la séparation.
  2. De Potter, Souvenirs personnels, t. I, p. 68 et suiv.