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LA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE

mettre fin à l’état déplorable du crédit qui avait été jusqu’alors le point faible de l’organisation économique du pays. Ni au XVIIIe siècle, ni sous l’Empire, les manufacturiers n’avaient trouvé parmi les capitalistes la collaboration qui les eût mis à même de prendre tout leur essor. L’initiative des entrepreneurs s’achoppait à l’inertie des grandes fortunes qui, par défiance et par routine, restaient attachées à la terre, plus soucieuses de sécurité que de bénéfices. C’est tout au plus si, dans quelques villes, des banques privées limitaient timidement leur activité aux opérations de change et d’avances sur marchandises. La circulation des billets au porteur était à peine connue. Une réforme s’imposait. Le roi qui en avait reconnu la nécessité en fut personnellement l’auteur. Il prit part lui-même aux discussions des commissions chargées d’étudier le plan et les statuts de l’établissement qu’il voulait fonder. Il l’avait conçu de la manière la plus large et dès sa création, il passa à bon droit pour un modèle. Ses attributions consistaient à émettre des billets au porteur payables à présentation et en argent comptant, à escompter les effets de commerce, à se charger du recouvrement des effets, à recevoir des sommes en comptes courants et des dépôts volontaires, à faire des avances sur titres, marchandises ou propriétés foncières, à émettre des engagements portant intérêt. L’importance de son capital le mettait à même de s’acquitter largement de sa mission. Il consistait en 30 millions représentés par 60,000 actions de 500 florins et en 20 millions consistant en domaines assignés par le roi. Ainsi la Belgique possédait désormais la grande banque qui était indispensable au plein développement de ses énergies. Le public ne comprit pas tout de suite l’importance de cette nouveauté. Il ne souscrivit que lentement aux actions de la société. Le 30 juin 1823, on ne relevait encore que 31,226 actions souscrites dont 1,500 à 2,000 par des particuliers et 25,800 par le roi. Néanmoins, la prospérité de la banque prouva tout de suite son utilité. De 1823 à 1827, les dividendes distribués passèrent de 14 fr. 81 à 39 fr. 15 par action.

On peut dire que la Société Générale fut le couronnement de l’œuvre économique de Guillaume. Elle avait été si solide-