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LES JOURNÉES DE SEPTEMBRE

central », une sorte de directoire auquel sont dévolus le pouvoir exécutif et les affaires courantes. Avec de Potter, y siègent Rogier et van de Weyer, mais, pour rassurer les catholiques que pourrait effrayer le radicalisme de ces « jacobins », on a soin de leur adjoindre Félix de Mérode. Bientôt des commissions spéciales sont instituées pour les finances, les affaires militaires et les négociations diplomatiques. Des « Commissaires » sont envoyés dans les provinces à la place des gouverneurs. Au milieu du chaos de la révolution, s’organise ainsi un centre d’action, une institution permanente et acceptée de tous, qui, avec autant de zèle que d’intelligence, transforme rapidement son autorité morale en une autorité officielle. Grâce à l’assentiment des masses, le Gouvernement provisoire devient un gouvernement national, et il est admirable qu’au milieu du déchaînement des passions, jamais le pouvoir qu’il s’est arrogé n’ait été contesté ni seulement discuté. C’est qu’il justifie par les services qu’il rend la mission qu’il s’est attribuée. C’est aussi qu’il a soin de conserver étroitement le contact avec le peuple dont il est censé représenter la souveraineté, qu’il l’encourage, l’exhorte et le flatte par ses manifestes, que la simplicité de ses allures, son absence de toute étiquette, le dévouement de tous ses membres à la cause commune et leur intégrité scrupuleuse lui assurent la popularité et l’estime. Il fut dans toute la forme du terme un gouvernement d’honnêtes gens et la nation lui accorda sa confiance parce qu’il la méritait.

Après les journées de Bruxelles, une question angoissante se posait. Quelle serait l’attitude de l’Europe ? On savait que le roi appelait à son aide les Puissances dont il tenait sa couronne. Une intervention de leur part écraserait infailliblement la révolution. Se produirait-elle ? Songer à entrer en rapports avec des monarchies légitimes, le Gouvernement provisoire n’en avait ni le temps, ni la possibilité, ni d’ailleurs le désir. Il comprenait que ce n’était pas des Puissances, mais de la France que dépendait l’avenir. Si elle opposait son véto à l’invasion de la Belgique, si elle déclarait nettement que toute armée étrangère entrant dans le pays y