Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/437

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
417
ATTITUDE DE LOUIS-PHILIPPE

ferait entrer en même temps l’armée française et déchaînerait ainsi une guerre générale, personne n’oserait prendre la responsabilité d’une telle catastrophe et, profitant de la crainte universelle, les Belges, n’ayant en face d’eux que les Hollandais, combattraient à armes égales. Gendebien, envoyé à Paris par ses collègues le 28 septembre, leur transmit sans retard la réponse sur laquelle ils comptaient. Louis-Philippe ne tolérerait pas d’intervention. La guerre demeurerait circonscrite aux Pays-Bas et l’indépendance de la Belgique ne dépendrait que de la Belgique elle-même.

Dès lors elle ne faisait plus de doute et la certitude de la victoire allait décupler les forces des combattants. Car si le duc Bernard de Saxe-Weimar, qui avait succédé dans le commandement en chef des troupes royales au prince Frédéric, disposait encore d’environ 13,000 hommes, ils se trouvaient dans un état trop lamentable non seulement pour prendre l’offensive, mais pour opposer même une résistance efficace à la moindre agression. Démoralisés par leur défaite de Bruxelles, ne comptant plus sur leurs chefs, attaqués le long des routes par les paysans du Brabant et de la Campine, les soldats ne demandaient qu’à en finir. La désertion des Belges faisait fondre de jour en jour les effectifs, et ceux qui demeuraient sous les drapeaux n’y étaient qu’un ferment d’indiscipline et répandaient autour d’eux le « défaitisme ». Énergique, hautain et brutal, Saxe-Weimar s’exaspérait vainement de voir l’armée se dissoudre dans ses mains, et de ne commander qu’une retraite sous la pression des bandes désordonnées de la « canaille »[1].

À la désorganisation de la résistance correspondait le désordre de l’attaque. Du côté des Belges, nul plan d’ensemble, nul chef capable de diriger des opérations méthodiques, un armement de fortune, des corps agissant chacun pour soi et marchant en avant sans s’éclairer, sans se couvrir, avec une imprudence et une insouciance justifiées d’ailleurs par le

  1. Voy. son portrait dans Gagern, op. cit., t. II, p. 73.