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DUMOURIEZ ET LES VONCKISTES

Le 25 novembre, il déclarait aux députés des communes du Hainaut qu’il était constitué agent de la nation française auprès du « peuple belge ». Il affirmait que les Français étaient les frères des Belges et ne voulaient que leur indépendance. Il fallait se hâter, disait-il, de constituer aussitôt un peuple libre et de convoquer une « convention nationale ». Ses lieutenants recevaient l’ordre d’annoncer partout que si la France n’entendait pas imposer une constitution à la Belgique, il fallait du moins que celle-ci en fît une. En attendant, il importait d’élire des « administrations provisoires » qui prendraient les « conseils » des généraux français. Ce n’est que là seulement où les populations seraient assez « abruties » pour refuser les bienfaits de la liberté, qu’elles seraient traitées en ennemies.

Quoiqu’il prétendît rester en dehors et au-dessus des partis, Dumouriez, en agissant ainsi, était fatalement entraîné à rompre avec les « statistes ». C’était les heurter en face que de prétendre substituer aux États souverains une convention nationale, que d’ordonner des élections, que de vouloir fondre les provinces et le pays de Liège en une seule et même nation, que de prôner la liberté comme si la Joyeuse-Entrée n’existait pas. Pour ces conservateurs obstinés, la désillusion était amère de voir le « libérateur » fouler aux pieds leurs convictions les plus chères et se révéler comme un Vonckiste déguisé sous l’uniforme républicain. Car, qu’il le voulût ou non, c’est sur les Vonckistes que Dumouriez en était réduit à s’appuyer. Il ne pouvait trouver que dans ce groupe de bourgeois « éclairés » et novateurs, acquis au culte des droits de l’homme et au dogme de la souveraineté du peuple, les auxiliaires décidés à fonder de commun accord avec lui la république belge. Mais en s’alliant avec eux, il allait se brouiller nécessairement avec les jacobins et avec les « statistes ». Si les premiers ne constituaient qu’une minorité remuante, ceux-ci en revanche, étaient redoutables. Soutenus par l’influence du clergé, ils pouvaient compter que les masses populaires se prononceraient en leur faveur dès qu’ils feraient appel au sentiment religieux. Dumouriez n’allait donc avoir pour lui qu’une partie de la bour-