Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/463

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
443
LA CONSTITUTION BELGE

plus été concevable après la publication, en 1832, de l’encyclique lancée par Grégoire XVI contre les libertés modernes, si bien que la constitution belge s’explique en réalité par sa date. Elle est le fruit de l’alliance imprévue qui unit en un même enthousiasme pour la liberté les fidèles et les adversaires de l’Église. Lamennais fut l’instrument de la brève entente des catholiques belges avec les libéraux ou, plutôt, il les transforma pour un instant en libéraux. Il importe peu que les uns aient revendiqué la liberté en faveur de la société religieuse, les autres, en faveur de la société civile. L’essentiel est qu’ils la revendiquèrent en commun. Leurs buts lointains différaient, leur but immédiat était le même, et de cette collaboration, dans laquelle chaque parti avec une bonne foi entière céda aux désirs de l’autre, sortit l’œuvre commune qui, ayant confondu en un seul deux programmes, ayant donné à chacun ce qu’il demandait, ayant prodigué les libertés à l’Église comme elle les prodiguait aux citoyens, n’ayant ni marchandé, ni restreint, ni chicané, trouva finalement sa sauvegarde dans les satisfactions qu’elle donnait à tout le monde.

Ce n’est pas assez de dire que la constitution belge est libérale. Elle est encore démocratique et quasi-républicaine. Dans les conditions où se trouvait le Congrès, aucune tradition ne pesait sur lui. Il n’avait à tenir compte d’aucun droit acquis, d’aucune légitimité historique. Seul maître des destinées de la nation, il n’avait à légiférer que pour elle. Rien de semblable en Belgique aux légitimistes, ou même aux Orléanistes de France. Le petit groupe d’Orangistes qui eût voulu conserver au moins la dynastie était à peine représenté au Congrès et n’y joua aucun rôle. La noblesse, au lieu de se grouper autour du trône, n’avait cessé de lui être hostile. Le pouvoir monarchique contre lequel la révolution s’était faite, était l’objet d’une défiance universelle. On voulait bien un roi, mais en se réservant de le choisir dans la plénitude de la souveraineté nationale et en l’obligeant à la reconnaître. Les constituants de 1830 se trouvent en présence d’une table rase. Rien ne les gêne dans l’application de leurs principes et ces principes découlent directement des droits de l’homme. En France,