le milieu du XVIIIe siècle. Évidemment le rédacteur du projet reste fidèle aux principes formulés en 1789 par l’Assemblée nationale de France. Il a horreur du jacobinisme qui, de plus en plus, commence à soulever les pauvres contre les riches. Il est aussi libéral en politique qu’il est conservateur au point de vue social, et ses idées correspondent sans doute à celles de cette classe d’industriels, d’hommes d’affaires et d’avocats qui, après s’être groupés jadis autour de Vonck, empruntent maintenant leur programme à Mirabeau et à Lafayette. En un point d’ailleurs, et il est essentiel, ils restent bien en deçà de leurs modèles. Le projet insiste avec force sur la nécessité de ne pas toucher à l’Église. Celui qui l’a écrit sait que ses compatriotes sont essentiellement religieux. Il comprend que heurter le sentiment catholique du peuple ce serait tout perdre, et que l’abolition des privilèges de la noblesse a pour condition le respect des privilèges du clergé.
Ainsi, dès la première rencontre de la Belgique avec la Révolution, surgit cette question religieuse qui, jusqu’au bout, et à travers les péripéties les plus diverses, ne cessera d’occuper le premier plan. Mais réclamer la destruction du passé en prétendant épargner l’Église, c’était proprement réclamer l’impossible. Car l’Église était trop intimement mêlée à l’État pour pouvoir subsister intacte parmi les ruines de celui-ci. Qu’on le voulût ou non, c’était la froisser dans ses intérêts et l’inquiéter pour son influence, que de prétendre détruire les antiques constitutions provinciales qui la reconnaissaient comme un ordre de l’État et l’associaient intimement au gouvernement de la nation. La question politique et la question religieuse s’enchevêtraient l’une dans l’autre, et le malentendu tragique qui, durant dix ans, devait troubler la France ne pouvait être épargné à la Belgique. Par intérêt autant que par conviction les conservateurs allaient identifier leur cause à celle de l’Église et contraindre ainsi leurs adversaires à diriger leurs coups tout ensemble contre elle et contre eux.
On s’en aperçoit tout de suite partout où la démocratie se manifeste. Si ses partisans sont clairsemés dans les provinces autrichiennes, sauf en Hainaut, à Bruxelles et à Gand où