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JEMAPPES

l’influence des idées françaises leur a préparé la voie[1], dans le pays de Liège au contraire dès l’arrivée de Dumouriez, ils s’emparent de la direction du mouvement.

La première révolution liégeoise avait déjà manifesté un caractère nettement anticlérical[2]. Il était impossible que, menée maintenant par des hommes dont les idées s’étaient exaspérées durant leur exil à Paris, elle n’accentuât pas ce caractère. Ses chefs, les Fabry, les Bassenge, les Defrance, s’attaquent résolument à l’Église. Dans cette principauté épiscopale, c’est elle qu’on rend responsable de tous les « abus de l’Ancien Régime ». Aux yeux des démocrates, elle apparaît comme l’ennemie jurée des droits de l’homme. À peine la « cité » a-t-elle réinstallé le 3 décembre son « conseil municipal proscrit par les tyrans et rétabli provisoirement par les vengeurs des droits des peuples », que pour sanctionner le triomphe de la liberté, la cathédrale de Saint-Lambert, autour de laquelle s’est concentrée à travers les siècles non seulement l’histoire des évêques mais celle du peuple liégeois tout entier, est con damnée à la démolition.

L’inspiration jacobine qui domine à Liège en maîtresse rend impossible, au surplus, cette fusion du pays de Liège avec la Belgique dont avait rêvé quelques mois plus tôt le Comité des Belges et Liégeois unis et qui était dans les plans de Dumouriez. Il est trop évident qu’elle aurait nécessairement pour conséquence une politique moins radicale et surtout moins hostile au clergé. Dumouriez lui-même sent bien qu’il faut céder ici à la passion politique sous peine de provoquer aussitôt une rupture. Dès le 7 décembre, il engage les Liégeois à créer une Convention nationale, et le jour même décide de réunir en assemblées primaires tous les citoyens âgés de dix-huit ans et de procéder sans retard à l’élection de 120 députés.

En Belgique cependant, s’organisait le nouveau régime. Dès le lendemain de l’entrée des Français à Mons, le 8 novembre, des « administrateurs provisoires » avaient été nommés tumul-

  1. Encore n’y forment-ils qu’une minorité, mais assez active et influente pour qu’il faille compter avec elle.
  2. Histoire de Belgique, t. V, 2e édit., p. 503 et suiv.