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LES VOTES DE RÉUNION À LA FRANCE

votre incorporation, mais elle vous ouvre son sein. Elle veut votre bonheur, mais elle vous laisse libres dans votre choix. Vous êtes peuple et souverain ; fixez votre destinée »[1]. Comment eût-il été possible de résister à des paroles appuyées par des moyens si efficaces de persuasion ? Il y eut des tentatives de résistance dans quelques petites villes, comme à Enghien ou à Grammont. À Namur, il fallut menacer les opposants de les noter comme « traîtres à la patrie ». Partout ailleurs, on s’abandonna. Bruges vota la réunion le 26 février, puis les autres villes et quantité de villages adressèrent leurs vœux à la Convention. Celle-ci, au fur et à mesure, les déclarait « parties intégrantes du territoire de la République ». L’une après l’autre, les communes belges franchissaient le pas. Le Hainaut fut même englobé en entier et d’un seul coup le 5 mars, sous le nom de département de Jemappes.

Ce n’est guère que dans le pays de Liège que le vote répondit plus ou moins à la volonté populaire. Le marquisat de Franchimont s’y était même signalé en émettant dès le 23 décembre 1792 un vœu de réunion à la France. Le radicalisme de cette petite contrée, peuplée de paysans à idées égalitaires et où l’industrie verviétoise avait multiplié le nombre des ouvriers salariés, s’était déjà manifesté en 1789 dans les délibérations du « Congrès de Poleur ». Il devait nécessairement la porter maintenant vers la France. Le 25 février, la Convention nationale liégeoise votait à son tour sa réunion à la République. Encore ce vote n’était-il que conditionnel et dépendrait-il de la faculté pour les Liégeois de ne point accepter les assignats pour le remboursement des dettes. Les commissaires étaient indignés de cette restriction. D’après eux, elle était le fait du « parti prussien »[2]. Il fallait empêcher qu’elle ne s’ébruitât, car elle encouragerait certainement les Belges à l’imiter. N’avait-elle pas pour but de favoriser les riches, alors que la révolution a été faite « pour le bonheur de la classe indigente ».

  1. Ce discours fut publié en français et en flamand.
  2. Aulard, Recueil, t. II, p. 206.