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JEMAPPES

IV

En annexant par force tant de territoires belges, la Convention ne fit, sans s’en douter, que suivre, en 1793, l’exemple des chambres de réunion de Louis XIV en 1679-1680. En dépit de la différence des principes et des procédés, la politique de la République fut aussi réaliste que celle du grand roi. Elle ne violenta pas moins la justice. De part et d’autre, les prétextes invoqués ne servirent qu’à masquer le droit du plus fort, et les magistrats à mortier de l’Ancien Régime comme les commissaires en bonnet rouge du nouveau, firent preuve de la même absence de scrupules. Les uns et les autres crurent ou feignirent de croire qu’il était de l’intérêt des populations d’être annexées. C’est l’éternel sophisme des conquérants.

Cependant, au moment même où elle se décidait à l’absorber, la France était sur le point de perdre la Belgique. En s’installant sur la côte de Flandre et en proclamant la liberté de l’Escaut, elle avait rompu à son profit l’équilibre européen et menacé l’Angleterre dans ses intérêts les plus sensibles. La guerre devait sortir fatalement de l’expansion de la République dans les Pays-Bas. Si elle n’éclata pas tout de suite, c’est que les deux adversaires hésitèrent quelque temps devant une rupture dont ils prévoyaient les terribles conséquences. Car entre l’Angleterre et la France, la lutte ne serait pas une lutte de république à monarchie, mais une lutte de nation à nation, le duel de deux peuples dressés l’un contre l’autre dans la plénitude de leur orgueil et qui ne se terminerait que quand l’un des adversaires serait à bout de forces. Et, en effet, la déclaration de guerre que la France lança à l’Angleterre le 1er  février 1793 ouvrit le conflit grandiose qui ne devait se terminer que vingt-deux ans plus tard sur le champ de bataille de Waterloo.

En déclarant la guerre à l’Angleterre, la France la déclarait aussi au stadhouder de Hollande, Guillaume V, dont la politique était déterminée par le cabinet de Londres. Dumouriez