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DEMANDES DE RÉUNION

versement de tous les usages et de tous les errements administratifs, la crainte des lois révolutionnaires indignent, irritent et effrayent à la fois le clergé, la noblesse, la bourgeoisie et par eux la masse du peuple dont ils dirigent l’opinion. Leur opposition se manifeste, faute d’autres moyens, par le refus d’accepter des fonctions publiques. En revanche, depuis que les représentants ont adopté une ligne de conduite plus modérée, les jacobins font rage contre eux. Dans le pays de Liège, où ils sont plus influents qu’ailleurs, ils résistent ouvertement aux mesures des administrations et les accusent de trahir la République au profit des aristocrates[1].

Une question angoissante se pose qui augmente encore l’inquiétude des esprits. Que va-t-on devenir ? Quel sort la France réserve-t-elle à la Belgique ? On avait pu croire, au début, qu’ayant accepté les vœux de réunion qu’elle avait provoqués naguère, la Convention traiterait les Belges en citoyens français. Mais la nécessité lui imposait l’oubli du passé. La République avait trop besoin d’exploiter sa conquête pour se souvenir qu’elle l’avait proclamée jadis partie intégrante de son territoire. Elle ne pouvait la mettre en coupe réglée qu’à condition de lui refuser la jouissance de ses lois et le bénéfice de sa nationalité. Les démocrates du Hainaut, transformé en 1793 en « département de Jemappes », assaillaient vainement de leurs plaintes le Comité de Salut Public. Repoussés par lui, ils s’adressaient à la Convention : « Législateurs, suppliaient-ils, faites cesser cet amalgame incohérent qui tue l’esprit public ». S’il paraissait dangereux de les doter en une fois de toutes les lois de la République, du moins qu’elles leur fussent appliquées graduellement, de sorte que « semblables à ceux à qui l’art, par un de ses miracles, permet de voir la lumière des cieux, nous recevions par rayons les bienfaits de la législation française »[2]. Des conservateurs demandaient, eux

  1. Voy. par exemple la curieuse brochure intitulée : Jugement du tribunal criminel d’Aix libre (Aix-la-Chapelle) contre les citoyennes Brixhe, de Spa. (Liège, an IV.)
  2. Protestation des administrateurs du ci-devant Hainaut à la Convention. (Mons 1795.)