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NOTICE

Platon pour ce rôle, était un devin qui semble avoir joui d’une assez grande popularité à la fin du ve siècle. Platon l’a encore mentionné, quelques années plus tard, dans son Cratyle[1], où il parle de lui incidemment comme d’un personnage connu[2]. Il résulte de ce témoignage, ainsi que du dialogue auquel il a prêté son nom, qu’il était considéré, à la fois comme un inspiré et comme un docteur en matière religieuse. Prétendant posséder la science des choses divines, il s’offrait en toute occasion à interpréter les volontés des dieux. Même, il ne craignait pas d’annoncer l’avenir, soit aux particuliers, soit dans l’assemblée du peuple. Il est vrai qu’il n’y était pas toujours cru ni accueilli avec beaucoup d’égards : il arriva, paraît-il, qu’à certains jours on l’y traita d’insensé[3]. Ce qui n’empêchait pas, sans doute, qu’à d’autres moments, quand les événements inclinaient le peuple à de meilleurs sentiments envers les prophètes, il ne fût écouté avec faveur. Thucydide atteste, comme on le sait, quelle fut, pendant la guerre du Péloponnèse, et surtout dans les heures les plus tragiques, l’autorité des devins[4]. Qu’il y eût accord, au fond, entre, les croyances d’un tel homme et celles du peuple, cela n’est pas douteux. Elles avaient seulement chez lui une forme arrêtée, dogmatique, intransigeante, tandis que, dans l’âme populaire, elles demeuraient toujours exposées à bien des mouvements passionnés et des fluctuations. C’est d’abord en raison de ce dogmatisme que Platon dut le choisir. Il avait besoin de mettre en face de Socrate une sorte de docteur en théologie traditionnelle, pour mieux montrer les défauts d’une religion étroitement attachée à cette théologie.

Probablement, en outre, ce choix fut aussi déterminé par un fait singulier que Platon rapporte au début du dialogue et qui ne semble pas avoir pu être inventé par lui. Euthy-

  1. Cratyle, 396 d.
  2. Plutarque, De Genio Socratis, c. 10, fait allusion à un entretien entre Socrate et lui ; c’est manifestement un simple souvenir de l’Euthyphron de Platon, qui ne nous apprend rien de plus. Il en est de même du passage de Nouménios, cité par Eusèbe, Prép. Évang., XIII, 3, ainsi que de celui de Diog. La., II, § 29.
  3. Euthyphron, 3 b.
  4. Thucydide, II, 8.