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LE BANQUET

tourner vers le savoir et le faire philosophe, aussi nécessaire que l’élan spontané dont il tend vers les belles choses (203 e-204 c). En d’autres termes, ce n’est pas assez du mouvement qui, d’instinct, porte vers l’objet aimable la partie la plus généreuse de notre nature ; pour rendre celle-ci aimante et pour la faire amour, il faut encore l’absence sentie de cet objet.

L’examen dialectique va porter maintenant sur le rôle et l’œuvre de l’amour dans la vie humaine. Il s’attache tout d’abord, en liaison avec l’idée exprimée à la fin du morceau qui précède, à déterminer ce que représente pour le sujet aimant l’objet de son amour. Jusqu’à présent la formule d’Agathon a été acceptée : l’objet de l’amour, c’est la beauté (cf. p. 55, n. 1). On va commencer à en examiner la valeur et la portée. Or il semble bien que la formule dont il s’agit ne se suffise pas à elle-même : avoir les belles choses pour objet de son amour a en effet, à son tour, un objet ; posséder les belles choses n’est qu’un moyen en vue d’une fin. Mais, une fois le problème ainsi posé, on s’aperçoit qu’il n’est pas possible de le traiter sans certaines explications préalables. Aussi se contentera-t-on d’en préciser la signification en le transposant dans le plan du bon : avoir les choses bonnes pour objet de son amour est un moyen pour obtenir le bonheur. Mais après cela il n’y aura plus rien à chercher au delà, car le désir du bonheur s’applique à une fin dernière (204 c-205 a). Mais, justement, la transposition effectuée va permettre, en deux étapes, de dire ce que signifie effectivement l’amour pour les hommes qui l’éprouvent. La première étape consiste à déterminer, d’une façon très générale, ce qu’ils ont en vue ; la seconde, à spécifier l’objet propre de l’amour, envisagé dans une acception plus restreinte.

a. On peut poser en principe qu’il n’y a pas d’homme qui aime autre chose que ce qui est, ou lui semble être[1], bon pour lui, avec le désir, d’abord d’avoir cela à lui, et ensuite de le garder toujours. Ceci résulte de ce qui a été accordé antérieurement, soit par Agathon à Socrate (200 a-e)[2], soit

  1. Comparer par exemple Gorgias 468 bc, Ménon 77 b-78 b.
  2. Le développement de c-e me paraît prouver que le toujours de 205 a 7 se rapporte à la possession (comme à 206 a 6), et non au souhait, ainsi que le pense R. G. Bury. Par contre, il en est bien