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NOTICE

d’accoucher, non des corps, mais des âmes, de mener au terme le fruit dont elles sont grosses, de reconnaître ce qu’il vaut, art aussi de s’entremettre pour favoriser des unions qui ne soient point stériles, est apparentée étroitement à l’analogie qui s’institue ici entre la fécondation, la gestation, la parturition du corps, et celles de l’âme[1]. Si, d’autre part, la « maïeutique » est solidaire de la théorie de la réminiscence, peut-être n’est-il pas illégitime de se représenter cette fécondité, innée à tout homme, dont nous parle le Banquet, comme étant précisément l’obscure possession par l’âme de semences de savoir et de vertu, qu’elle doit à sa parenté originelle avec les essences intelligibles[2]. C’est un point qui s’éclaircira par la suite.


II. Discours de Diotime :
1o  Explications préparatoires
(207 a-209 e).

Ainsi qu’on l’a déjà dit (p. lxxiii ; cf. p. 62, n. 2), un changement de méthode s’accomplit ici, et, en partant du résultat auquel l’examen dialectique nous a conduits, nous pourrons, rien qu’en explicitant et en développant ce résultat, pénétrer le sens profond de la fonction de l’amour. Corrélativement, nous déterminerons les étapes par lesquelles doit passer l’âme amoureuse pour réaliser en elle-même la plénitude de cette fonction. Le passage de la forme dialoguée au discours continu se fait sans heurts : l’exposé sibyllin de la conception générale (206 b sqq.) se poursuit en effet par une analyse, sur un ton plutôt doctoral, d’exemples concrets qui s’appliquent à chacun des éléments de cette conception et qui lui servent de commentaire. C’est l’instruction qui, appliquée au thème grandiose tout à l’heure proposé à ses méditations, va préparer le néophyte à recevoir l’initiation parfaite. Le mouvement lyrique, interrompu par cette analyse concrète, reprend alors, parce qu’alors on a la possibilité de revenir utilement au thème de la fécondité créatrice, en particulier dans l’ordre spirituel (208 e sqq.). Aussi vibrant

  1. Voir le texte important de Rép. VI 490 ab, qu’on retrouvera infra p. xcvi. Dans mon livre déjà cité, j’ai fait, p. 173-177, une comparaison plus approfondie des deux théories. Voir aussi A. Diès, Théétète, Notice p. 129 sq.
  2. Cf. op. cit. p. 180 sq. et A. Diès ibid. Le rapport apparaîtra plus distinctement dans le Phèdre.