Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome IV, 2 (éd. Robin).djvu/95

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
lxxxix
NOTICE

tion, la prospérité du groupe familial. Mais la fécondité de l’âme est singulièrement plus intéressante, à la fois parce que les effets en ont une bien plus grande étendue et aussi parce que la semence qu’elle répand est d’un ordre infiniment plus élevé, puisque c’est la pensée. Trois formes de cette fécondité sont d’abord envisagées : création d’œuvres poétiques ; inventions bienfaisantes dans les arts ; enfin, et surtout, institution de lois qui régleront et administreront, avec sagesse et justice, la vie d’un État ou de tout autre établissement. En second lieu, après ces formes générales d’activité, on considère plus particulièrement des activités individuelles (cf. p. 65, n. 2) : un éducateur qui n’est pas nommé, de grands poètes, Homère, Hésiode, de grands législateurs, Lycurgue, Solon (208 e-209 e). — Il est bien inutile de s’attarder à montrer que l’hommage ici rendu aux poètes qu’honore la tradition ne représente pas le point de vue propre de Platon ; ou que, inversement, ses préoccupations sociales et politiques se traduisent dans ce qui est dit des législateurs. Beaucoup plus important est le premier morceau (209 bc), celui qui concerne l’éducateur. En apparence il est dans le ton des deux autres. Bien plus, s’il n’était spécifié sans équivoque (209 a) que la fécondité dont il s’agit est purement spirituelle, ce morceau sur l’amant éducateur semblerait procéder d’une intention analogue à celle qu’exprimait Pausanias (cf. 184 b-185 b). Il est très vrai d’autre part que, en vertu de la fiction adoptée, Diotime n’a pas à faire figure de philosophe. Mais Diotime n’est qu’un masque, et, derrière certaines façons populaires de représenter les choses, qui sont comme les traits peints sur le masque[1], on

  1. Plusieurs commentateurs (Hug, Bury), à propos du passage de 209 a sur la plus belle forme de la pensée renvoient à un morceau du Phédon (82 a b) où il est dit que la destinée la meilleure sera réservée à ceux qui auront pratiqué cette vertu d’espèce sociale et civique qu’on appelle sagesse tempérante et justice, et en outre à un passage du Ménon (73 a) qui semble compléter le rapprochement. — Mais, pour ne parler que du texte du Phédon, on peut douter que l’intention soit la même qu’ici, quand de part et d’autre on considère la suite. Ici, c’est déjà l’annonce, en un bref raccourci, de l’ascension amoureuse vers le Beau idéal ; là, c’est le jugement dédaigneux sur une vertu sans intelligence et dénuée de philosophie, fondée seulement sur l’habitude et sur l’exercice.