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PHÈDRE

n. 3) ; au septième, les travailleurs manuels, ouvriers ou laboureurs. Ce qui a pu faire penser qu’en dressant cette hiérarchie Platon ne veut que s’amuser, c’est la place qu’il assigne, plus bas encore, au sophiste et au démagogue. Mais n’est-il pas vrai que les deux classes précédentes ont au moins quelque utilité, l’une de nous charmer, l’autre de pourvoir aux nécessités de l’existence ? Les gens du huitième rang au contraire ne sont que malfaisants, également corrupteurs de la conscience privée et de la conscience publique. Quant à l’âme prédestinée à l’état tyrannique, le chiffre de son rang est le même que dans ce passage de la République (IX 587 b-e) où Platon mesure de combien de degrés le bonheur du tyran s’éloigne de celui du roi. S’il y a donc, en somme, dans cet exposé une part de fantaisie, c’est justement celle qu’on y pouvait attendre : comment savoir l’ordre de valeur des prédestinations si l’on ne s’est fait à l’avance quelque opinion sur l’ordre de valeur des prédestinés eux-mêmes, ou du moins de leurs conditions[1] ? comment parler de ces conditions, sinon d’après les types que l’on connaît ? Or c’est justement ce que Platon fait ici.

Sanctions.

b. Ces premières naissances sont pour les âmes la fin d’une précédente existence et le commencement d’une existence nouvelle. Il y a donc lieu de s’interroger sur la destinée finale des âmes par rapport à cette dernière : que deviennent-elles après la première mort ? C’est l’objet de la seconde eschatologie (248 e 5 sqq.). Deux idées la dominent. L’une est que leur sort dépend de ce qu’aura été, dans l’union avec un corps, leur manière de vivre par rapport à la justice et à l’injustice, et qu’il doit donc y avoir un jugement des morts[2]. L’autre

  1. De même, Rép. X 618 b, la condition que les âmes ont choisie les détermine qualitativement et fonde entre elles un ordre hiérarchique, τάξις.
  2. D’après l’eschatologie du Gorgias (526 c) et de la République (X 614 c d) les âmes les meilleures, celles des vrais philosophes, sont soumises comme les autres au jugement. Or ici il semble qu’il n’y ait de jugement que pour ces dernières (249 a 5) : si en effet le renouveau des ailes est immédiat pour toute âme qui, par une vie philosophique, s’est déchargée de ce qui pesait sur elle (cf. 248 e 8 sqq., 249 a 4, c 4 sq.), les âmes des philosophes semblent monter