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DE LA VERTU

pouvaient s’enseigner, on en pourrait indiquer les maîtres, comme on fait pour la musique ; la troisième : les hommes sages qu’a possédés la Grèce auraient pu enseigner la sagesse à leurs amis ; la quatrième : ceux qui ont fréquenté les sophistes n’y ont rien gagné ; la cinquième : beaucoup, sans fréquenter les sophistes, ont acquis du renom… » L’orateur discute ensuite ces preuves, reproduisant encore très probablement les réponses de ceux qui développaient la thèse contraire. On voit par l’exemple du Ménon et de notre περὶ ἀρετῆς que ce devaient être les arguments ordinaires des traités de rhétorique sur la vertu. On retrouve, en effet, dans la seconde et la troisième preuve, le motif des amplifications contenues dans les deux dialogues platoniciens.

Si l’on compare d’ailleurs le Ménon et le περὶ ἀρετῆς, on remarquera sans peine une telle ressemblance d’idées, de composition, de style, qu’il est impossible de nier le rapport très étroit des deux dialogues. Mais l’art, la liberté d’allure, l’aisance charmante du Ménon sont absents dans le περὶ ἀρετῆς et ce dernier ne paraît être qu’une sèche et inhabile imitation. Non seulement la division des thèmes, mais encore les procédés de développements sont identiques. Les exemples apportés à l’appui de la thèse sont les mêmes des deux côtés. Bien plus, des phrases entières sont transcrites, parfois littéralement, souvent avec de très légères modifications incapables de dissimuler le plagiat. Il est inutile de multiplier les références. Mais que le lecteur se reporte aux passages suivants : Ménon, 93 c-94 e, de la Vertu, 377 a-378 e. Le simple rapprochement de ces textes le convaincra. Il n’y a aucun doute que le περὶ ἀρετῆς ne soit un démarquage maladroit du Ménon. L’auteur emprunte à son modèle non seulement la substance du dialogue, mais jusqu’aux expressions les plus personnelles de Platon[1]. Faut-il, comme le pense Pavlu[2], l’identifier à celui qui composa le περὶ δικαίου ? Cela ne paraît pas évident, et l’imitation beaucoup plus servile du second dialogue porterait à penser que l’auteur est différent. Il n’est du reste pas surprenant que l’on découvre un certain air de

  1. Comparer περὶ ἀρετῆς, 379 b et Ménon, 89 b ; π. α., 379 c, d et Ménon, 99 c, d.
  2. Die pseudoplatonischen Gespräche über Gerechtigkeit und Tugend, Wien, 1913.