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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.


Monde d’abord, ensuite la Terre, puis tous les autres astres considérés comme des êtres doués d’âme et d’intelligence[1]. Mais au-dessus de tous ces dieux règne le Dieu par excellence, le Bien absolu, principe de tout ce qu’il y a de divin, source de la divinité des autres dieux.

Ce n’est que çà et là, dans quelques descriptions où le style s’élève, que les puissances supérieures apparaissent sous des noms mythologiques. L’Un devient Uranus ; l’Intelligence, c’est Saturne[2] ; l’Âme du monde, c’est Jupiter qui mène, comme dans Platon, le chœur des bienheureux à la contemplation des idées. Mais ces appellations varient, si bien qu’en d’autres endroits Jupiter désigne l’Intelligence, et que l’Âme du monde devient Vénus, la même que Junon suivant les théologiens[3]. Plotin déclare lui-même qu’il varie dans le choix de ces noms[4].

À propos de l’âme de la Terre il fait observer que les sages de l’antiquité (οἱ θείᾳ φήμῃ ϰαὶ φύσει ἀπομαντευόμενοι) l’ont appelée Cérès ou Vesta[5]. Quant aux âmes des autres astres, il ne leur applique nulle part de nom particulier.

Il ne faut donc pas chercher dans Plotin un véritable monde mythologique ; il ne fait que rarement allusion aux fables antiques, et encore n’est-ce que pour leur emprunter de poétiques images qui rendent sa pensée plus sensible, et lui donnent pour ainsi dire un corps. Ces images sont parfois d’une extrême beauté : par exemple, cette comparaison de la chute des âmes avec le regard jeté par le jeune Bacchus dans le miroir près duquel les Titans le déchirent[6] ; ou bien celle d’une âme qui cherche la divine félicité dans le monde des sens, avec Narcisse se précipitant dans l’abîme pour embrasser une ombre[7] ; ou bien enfin celle du monde avec cette Pandore, à la parure de laquelle tous les Dieux voulurent contribuer[8]. Ces deux penchants qui naissent avec nous et qui nous entraînent dans des directions opposées, l’un vers la beauté sensible, l’autre vers l’éternelle beauté, ce sont deux Vénus, filles, l’une d’Uranus, l’autre de Jupiter[9]. Hercule séjournant tour à tour parmi les Dieux et dans les Enfers, c’est la vertu humaine placée entre les idées et leur manifestation terrestre[10]. Ulysse,

  1. Voy. les Éclaircissements de notre tome I, p. 466.
  2. Voy. Enn. V, liv. I, § 7.
  3. Voy. Enn. III, liv. V, § 8 ; t. II, p. 119.
  4. Voy. Enn. IV, liv. IV, § 10 ; t. II, p. 344.
  5. Ibid., § 27, p. 373.
  6. Voy. Enn. IV, liv. III, § 12 ; t. II, p. 389.
  7. Voy. Enn. I, liv. VI, § 8 ; t. I, p. 110.
  8. Voy. Enn. IV, liv. III, § 14 ; t. II, p. 293.
  9. Voy. Enn. III, liv. V, § 2 ; t. II, p. 106.
  10. Voy. Enn. I, liv. I, § 12 ; t. I, p.50.