Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/680

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
630
JAMBLIQUE.


les dieux et les démons, le Bien et tout ce qu’il y a de plus relevé dans l’univers[1] ; ils enseignent ainsi que tout est dans tous les êtres, mais selon la nature propre de chacun d’eux[2]. Numénius professe cette opinion dans toute son étendue[3], Plotin avec quelque restriction[4], Amélius avec inconstance, Porphyre avec hésitation : car tantôt il l’abandonne nettement, tantôt il la suit comme une tradition[5]. Selon cette opinion, l’Âme, dans son essence totale, ne diffère en rien de l’intelligence, des dieux et des êtres supérieurs.

Une doctrine, qui est opposée à la précédente, sépare l’Âme et l’Intelligence[6] : elle fait de l’Âme une nature inférieure, née de l’intelligence, mais distincte d’elle, en ce sens que la partie de l’Âme qui est au-dessous de l’Intelligence en dépend, mais a une existence

  1. Voy. Plotin, Enn. III, liv. IV, § 3, fin.
  2. Voy. Plotin, Enn. IV, liv. IX, § 5.
  3. Voy. les fragments de Numénius, t. I, p. CII.
  4. Plotin admet qu’il y a des différences importantes entre la condition de l’Âme universelle et celle de l’âme humaine. Voy. Enn. II, liv. IX, § 7 ; Enn. IV, liv. III, § 9-17.
  5. Pour Porphyre, Voy. les Principes de la théorie des intelligibles, § XXXIX, t. I, p. LXXX.
  6. Cette doctrine est celle de Jamblique lui-même, comme on le voit par la citation suivante que Proclus fait de ce philosophe : « Les considérations qui précèdent nous permettent de juger l’opinion de Plotin et de Théodore, selon lesquels il y a en nous quelque chose qui demeure impassible et qui pense toujours : car Platon [Timée, p. 437], n’admettant que deux révolutions dans l’essence de l’âme, a dit que l’une [la révolution de la nature du même] était complètement entravée, et que l’autre [la révolution de la nature de l’autre] était troublée : il est donc également impossible que l’une ou l’autre soit l’acte de la pensée pure. C’est avec raison que le divin Jamblique combat cette opinion dans les termes suivants : « Qu’est-ce qui pèche donc en nous quand, entraînés par le principe irrationnel, nous cédons aux séductions de l’imagination ? N’est-ce pas la volonté ? Comment ne serait-ce pas elle, puisque c’est par elle que nous pouvons résister aux illusions de l’imagination ? Or, quand la volonté a failli, comment l’âme elle-même resterait-elle infaillible ? Qu’est-ce qui fait le bonheur complet de la vie ? n’est-ce pas que la raison s’acquitte de la fonction qui lui est propre [contemple l’intelligence divine], qu’elle s’en acquitte parfaitement ? Quand notre partie suprême est parfaite, l’ensemble de notre être est heureux : qui nous empêche donc d’être tous dès aujourd’hui complètement heureux, si la plus haute partie de nous-mêmes pense toujours et est toujours unie aux dieux ? Car, si cette partie est l’intelligence, qu’importe à l’âme ? si cette partie est une partie de l’âme, l’âme entière doit être heureuse. » (Comm. sur le Timée, p. 341.) Pour les passages de Plotin auxquels Proclus et Jamblique font ici allusion, Voy. Enn. I, liv. I, § 9-12 ; et Enn. IV, liv. VIII, § 8. Pour la théorie que Jamblique professe lui-même sur l’intelligence, Voy. ci-après, § XXII. »