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CINQUIÈME ENNÉADE.


les formes que l’Intelligence donne à l’Âme se rattachent à la vérité d’aussi près que possible, tandis que celles que l’Âme donne au corps ne sont que des images et des apparences éloignées de la vérité[1].

IV. Pourquoi, arrivés à l’Âme, ne nous y arrêtons-nous pas et ne la regardons-nous pas comme le premier principe ? C’est que l’Intelligence est une puissance différente de l’Âme et meilleure qu’elle ; or, ce qui est meilleur est antérieur par sa nature. Qu’on ne croie pas, comme le font quelques-uns[2], que ce soit l’Âme qui, arrivée à son état de perfection, engendre l’Intelligence. Comment ce qui est en puissance pourra-t-il être en acte, s’il n’y a un principe qui le fasse passer de la puissance à l’acte ? Car si ce passage s’opérait par hasard, il pourrait ne pas avoir lieu. Il faut donc accorder le premier rang à ce qui est en acte, qui n’a besoin de rien, qui est parfait, et placer au second rang les choses imparfaites. Celles-ci sont rendues parfaites par les principes qui les ont engendrées, lesquels remplissent à leur égard un rôle paternel, en rendant parfait ce que dans l’origine ils avaient engendré imparfait. Ce qui est ainsi engendré est matière par rapport au principe créateur, puis devient parfait en recevant de lui la forme. D’ailleurs, l’Âme subit la passion ; or il faut qu’il y ait quelque chose d’impassible, sans quoi tout serait dissous par le temps ; il doit donc y avoir un principe antérieur à l’Âme. Ensuite, l’Âme est dans le monde ; or, il doit y avoir quelque chose qui demeure hors du monde, qui soit par conséquent supérieur à l’Âme : car, puisque ce qui est dans le monde est dans le corps, dans la matière, s’il n’y avait rien hors du

  1. Voy. Enn. III, liv. VIII, § 3 et 7 ; t. II, p. 215 et 224.
  2. Creuzer pense que Plotin désigne ici Anaxagore ou Démocrite. Nous croyons qu’il s’agit des Stoïciens, parce que notre auteur les réfute par les mêmes arguments dans l’Ennéade IV, liv. VII, § 8, n° 14 ; t. II, p. 457-459.