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CINQUIÈME ENNÉADE.


procède et par laquelle elle touche au monde intelligible[1]. En effet, malgré la dignité que nous venons de lui reconnaître, l’âme n’est que l’image de l’Intelligence : comme le verbe extérieur [la parole] est l’image du verbe [intérieur] de l’âme, l’âme est elle-même le verbe et l’acte de l’Intelligence[2]. Elle est la vie qui s’en échappe pour former une autre hypostase, de même qu’il y a dans le feu la chaleur latente qui constitue son essence et la chaleur qui en rayonne à l’extérieur. Cependant, l’âme ne sort pas tout entière du sein de l’Intelligence ; elle y demeure en partie, mais elle forme une essence distincte d’elle. Procédant de l’Intelligence, l’âme est intellectuelle, et la manifestation de sa puissance intellectuelle est la raison discursive. L’âme tient sa perfection de l’Intelligence comme elle en tient son existence ; c’est en regard de l’Intelligence seule qu’elle est imparfaite. Elle est donc l’hypostase qui procède de l’Intelligence, et quand elle la contemple, elle est la raison en acte. En effet, quand l’âme contemple l’Intelligence, elle possède intimement les choses qu’elle pense, elle tire de son propre fonds les actes qu’elle produit ; seuls, ces actes intellectuels et purs lui sont vraiment propres. Ceux qui sont d’une nature inférieure viennent d’un principe étranger ; ce sont des passions.

L’Intelligence rend donc l’âme plus divine, parce qu’elle l’engendre et qu’elle lui accorde sa présence. Rien ne sépare l’une de l’autre que la distinction de leur essence. L’âme est avec l’Intelligence dans le même rapport que la matière avec la forme[3]. Or la matière même de l’Intelligence est belle parce qu’elle a une forme intellectuelle (νοοειδής (nooeidês)) et qu’elle est simple. Quelle n’est donc pas la grandeur de l’Intelligence puisqu’elle est plus grande encore que l’âme !

  1. Ce passage est cité par saint Cyrille, Contre Julien, VIII, p. 276.
  2. Voy. Enn. I, liv. II, § 3, t. I, p. 56 ; Enn. I, liv. III, § 11, t. II, p. 288, note 4.
  3. Voy. Enn. I, liv. IX, n° 5 ; t. II, p. 244.