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Page:Poésies complètes de Robert Burns, 1843.djvu/93

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POÉSIES DE BURNS.


Les uns riment pour fustiger le nom d’un voisin ;
D’autres riment (vaine pensée !) par besoin d’argent :
D’autres riment pour occuper les langues du pays
       Et faire du bruit ;
Quant à moi, je ne me donno pas la peine d’avoir un but :
       Je rime pour mon plaisir.

L’étoile qui règle mon malheureux lot
M’a assigné l’habit de paysan,
Et a limité ma fortune à quatre sous ;
       Mais, en revanche,
Elle m’a doué d’une étincelle
       D’esprit villageois.

Cette fois l’idée tortue m’a pris
De tenter ma destinée en bonne impression noire ;
Mais pourtant plus j’incline de ce côté,
       Plus quelque chose me crie : « Doucement !
Je vous en avertis, mon brave homme, prenez garde !
       Vous montrerez votre sottise.

» Il est d’autres poètes bien supérieurs à vous,
Qui en savent long en grec, de profonds lettrés,
Qui ont cru s’être assuré comme débiteurs
       Tous les siècles futurs ;
Maintenant les mites mettent en lambeaux informes
       Leurs pages inconnues. »

Alors adieu les espérances de branches de laurier
Pour couronner mon front de poète !
Désormais je rôderai où les charrues actives
       S’assemblent affairées,
Et j’apprendrai aux collines et aux vallées solitaires
       Ma chanson rustique.

Je continuerai d’errer, sans me soucier
Comment dans leur marche incessante fuient les moments,
Jusqu’à ce que le destin rempe le fil fragile ;
       Alors, tout inconnu,
Je me coucherai parmi les morts sans gloire,
       Oublié et fini !

Mais pourquoi commencer une histoire de mort ?
En ce moment nous sommes vivants et bien portants,
Mettons donc au vent toutes les voiles,
       Lançons le souci par-dessus le bord !
Et, poussés par le vent du plaisir,
       Profitons de la marée !