Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/518

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orientale et primitive, la gloire est le manteau broché d’or et semé de pierreries, insigne opulent de toute majesté, divine et humaine. Ce mot est devenu pour nous vide de sens. Qu’entendait Napoléon lorsque, parlant du bruit de ses batailles, il disait : De la gloire, j’en ai fait litière ? Il ne l’eût su dire. Saint Jérôme ne se comprend pas mieux lui-même, lorsqu’il traduit les deux premiers mots de ce psaume par Cœli enarrant, les cieux racontent. La gloire, en hébreu, ne se raconte pas ; elle se déploie comme un manteau ; elle se déroule comme un parchemin (un livre), ainsi que l’a parfaitement compris l’auteur de l’Apocalypse, lorsque, pour peindre la disparition du ciel, il dit qu’il fut roulé comme un livre. C’est le mot même du psalmiste, me-saphrim, dont le radical est sepher, volume, (sphère ?) qui a fourni à l’écrivain chrétien cette comparaison.

Le ciel bleu, donc, voilà le manteau impérial de Jéhovah, voilà sa gloire ; ces astres, ces étoiles, voilà ses trophées. Vous demandez s’il pense, s’il parle : certes il a aussi une voix, voix qui se répète du jour au jour, de la nuit à la nuit, et qui remplit le monde. Où est sa tente ? dites-vous. Là-bas, à l’orient, au-dessous de l’horizon. — La Vulgate porte : In sole posuit tabernaculum suum, il a dressé sa tente dans le soleil ; c’est-à-dire que pour masquer ce fétichisme splendide, qui eût scandalisé la spiritualité chrétienne, le traducteur a commis de propos délibéré un non-sens. La tente de Jéhovah dans le soleil ! absurde.

Enfin, le dieu paraît, le voici en personne ; il sort de sa tente comme un époux au matin de ses noces. — Dans un épithalame attribué à Sapho, l’époux est comparé au dieu Mars, au soleil : c’est la même pensée retournée. — Sans doute, il est loin de vous, ce Soleil ; mais ses flèches vous atteignent, elles vous brûlent, et vous ne pouvez y échapper. Voilà votre législateur, enfants d’Israël ; cela vous suffit-il ? Et qui donc, si ce n’est lui, pourrait vous dire de pareilles choses, des choses si douces, si belles ? Qui saurait, comme lui, briller à vos yeux et parler à vos cœurs ? — J’en ai regret pour nos biblistes : le dieu des anciens Hébreux n’est pas un rêve, une abstraction, un pur esprit qui n’a point de corps, comme dit le catéchisme. Faites donc de semblables définitions dans une langue où le