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guerres d’Henri IV, il avait appris lui-même le métier des armes sous Maurice d’Orange et sous Turenne. Il « avoit le cœur encore plus grand que la naissance », dit de lui le P. Charlevoix, qui pourtant avait des raisons de ne pas l’aimer, car le nouveau gouverneur ne craignit pas, en plus d’une rencontre, de heurter les volontés du clergé et surtout des jésuites. « C’étoit un homme fort du monde et parfaitement ruiné », écrit de son côté le duc de Saint-Simon, qui insinue que ses protecteurs, les Phélippaux, auxquels il était allié, l’envoyèrent au Canada pour lui permettre d’y refaire sa fortune. Peut-être pour lui faciliter la chose, ou parce qu’on connaissait son caractère entier qui n’eût pas aisément souffert un incessant contrôle, on ne lui adjoignit pas, au moins tout d’abord, d’intendant. (Ce ne fut qu’en 1675 que Duchesneau fut nommé en cette qualité.)

Plusieurs esprits, en France, dans toutes les classes de la nation, gardaient l’esprit de la Fronde et regrettaient, sans oser le dire, l’absorption complète de tous les pouvoirs entre les mains de celui qui avait dit un jour : « l’État c’est moi ! » On parlait encore, quoique plus timidement chaque jour, des États-Généraux. Frontenac avait probablement au fond de son cœur de soldat un vieux levain de parlementaire, car un de ses premiers actes, après son entrée en fonctions, fut la convocation d’une sorte d’États-généraux du Canada. Les trois ordres, noblesse, clergé, tiers-état, y figuraient, suivant les conceptions du temps. Bien que cette assemblée n’eût eu que le caractère d’une vaine cérémonie, et que son seul acte eût été le renouvellement solennel du serment de fidélité à la couronne, cette ombre même d’assemblée dé-