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et l’existence même de notre race dans le Canada. Le gouvernement anglais tenait du nôtre une immense quantité de terrains qui s’étaient encore accrus des biens des corporations religieuses à l’époque de la suppression de l’ordre des jésuites. Il s’agissait de savoir à qui ces terrains seraient concédés. Le nombre des Canadiens français s’étant considérablement accru par la prodigieuse fécondité des mariages, ils avaient cherché dans les travaux agricoles le débouché que les Anglais fermaient à leur activité du côté du commerce et de l’industrie. Les Canadiens français demandaient donc que ces terres leur fussent gratuitement concédées. Le gouvernement métropolitain, toujours préoccupé de dénationaliser la Nouvelle-France, repoussa leur supplique et distribua ces terres à des favoris. De 1793 à 1811, plus de trois millions d’acres avaient été ainsi partagés entre deux cents privilégiés dont quelques-uns reçurent des étendues de terrain vraiment exorbitantes, qui 12,000 acres[1] qui 24,000, qui bien davantage encore, comme ce gouverneur, Shore Milnes, qui s’attribua pour sa quote part près de 70,000 acres ! Ces accapareurs, ou laissaient leurs terres incultes, en attendant qu’elles eussent acquis une plus-value par le seul mouvement de la colonisation, ou y attiraient des Anglais ou des Écossais, sous prétexte d’empêcher les Canadiens de fraterniser avec les Américains. « Folle et imbécile politique ! », s’écriait un député, Andrew Stuart, en 1823. « On craint le contact de deux populations qui ne s’entendent pas, et on met comme une barrière contre les

  1. L’acre valant environ 40 ares, deux acres et demi équivalent à un hectare.