Page:Réveillaud - Histoire du Canada et des canadiens français, de la découverte jusqu'à nos jours, 1884.djvu/494

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bouches du Mississipi, sous le ciel brûlant de la Louisiane, formaient une chaîne ininterrompue, dont les anneaux étaient ces postes militaires que défendaient, avec une intrépidité si insouciante de la mort, ces soldats raccolés un peu partout dans nos provinces et qui justifiaient si bien leurs sobriquets ordinaires : La Déroute, la Liberté, Trompe-la-mort, Sans-façon, Va-de-bon-cœur ! Nous avons vu comment cette jalousie de l’Angleterre, excitée par les animosités de ses propres colons, s’était de plus en plus traduite en actes et en conflits, en dépit des assurances d’amitié qu’échangeaient souvent les cabinets de Londres et de Versailles. Nous avons dit comment la frivolité aveugle de la cour de Louis XV finit par lâchement abandonner, en laissant succomber sous le nombre ses vaillants défenseurs, la Nouvelle France d’Amérique, ces « quelques arpents de neige », disait le courtisan Voltaire, qui avaient été arrosés de la sueur et du sang de tant de bons Français. Nous avons dit aussi comment le gouvernement de Louis XVI laissa échapper, lors de la guerre de l’indépendance américaine, une occasion unique de ressaisir sur les Anglais cette perte de la couronne coloniale de l’ancienne France, et comment les Canadiens français, de leur côté, laissèrent passer — par crainte ou défiance de leurs voisins, — le moment, propice de reconquérir leur indépendance et d’assurer à leur race la possession d’un vaste État qui aurait pu embrasser dans ses limites toute la partie de l’Amérique du Nord située au-dessus du 42e degré de latitude. Nous avons suivi avec intérêt les péripéties par lesquelles a passé, depuis lors, la race canadienne-française et dont quelques-unes lui ont fait durement sentir