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ce quant-à-soi insulaire un obstacle sérieux au succès, à la propagation de la langue anglaise au milieu des autres peuples. Chez les peuples du Midi, le français lui sera toujours préféré ; chez les peuples slaves, jusqu’ici, il en est de même. Reste l’Allemagne, où le français occupe depuis deux cents ans une place si prépondérante. Il sera peut-être obligé de la partager ; il n’est pas probable qu’il en soit dépossédé. » Pour ces raisons et pour beaucoup d’autres, les Néo-Français d’Amérique n’abaisseront pas le drapeau de leur belle et glorieuse langue maternelle devant la langue anglaise qui n’est elle-même, dans la moitié pour le moins de son vocabulaire, qu’une dérivée de la leur. Ce véhicule parfait, clair et élégant, de la pensée humaine, que la diplomatie universelle a adopté et qu’adoptera peut-être un jour, comme autrefois le latin, la science universelle, les Canadiens français se montreront jaloux de le transmettre à leurs enfants, non-seulement par piété filiale ou par intérêt national, mais par goût du beau et par souci de l’esthétique en matière littéraire. Nous avons dit dans une étude publiée ailleurs. et que nous reproduisons plus loin[1], de combien d’ouvrages estimables, sinon encore de chefs-d’œuvre, la langue française, maniée par les fils des colons canadiens, a déjà enrichi notre commun trésor littéraire. Un peuple qui a déjà, comme les Canadiens, une littérature propre, et qui peut au surplus puiser incessamment à la source toujours jaillis-

  1. La langue et la littérature françaises au Canada. Bibliothèque universelle. Livraison d’août 1883. Voir à l’Appendice de cet ouvrage.