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Comment frere Ian ioyeusement conseille Panurge.

Chapitre XXVII.


Par sainct Rigomé (dict frere Ian) Panurge mon amy doulx, ie ne te conseille chose que ie ne feisse, si i’estoys en ton lieu. Seulement ayez esguard & consyderation de tous iours bien lier & continuer tes coups. Si tu y fays intermission, tu es perdu, paouuret : & t’aduiendra ce que aduient es nourrisses. Si elles desistent alaicter enfans, elles perdent leur laict. Si continuellement ne exercez ta mentule, elle perdra son laict, & ne te seruira que de pissotiere : les couilles pareillement ne te seruiront que de gibbessiere. Ie t’en aduise, mon amy. I’en ay veu l’experience en plusieurs : qui ne l’ont peu quand ilz vouloient : car ne l’auoient faict quand le pouoient[1]. Aussi par non vsaige sont perduz tous priuileges, ce disent les clercs. Pourtant, fillol, maintien tout ce bas & menu populaire Troglodyte, en estat de labouraige sempiternel. Donne ordre qu’ilz ne viuent en gentilz homes : de leurs rantes, sans rien faire[2].

Ne dea[3] (respondit Panurge) frere Ian mon couillon guausche, ie te croiray. Tu vas rondement en besoigne. Sans exception ne ambages tu m’as aper-

  1. « Quando potui non volui, & quando volui non potui, » dit un vieux brocard qu’on attribue à Saint Basile, De nugis curialium, VIi, 17.
  2. Cette idée revient souvent dans nos auteurs comiques : « Foi de demoiselle ! disoit ma mere pansant ses pourceaux, mon mari est aussi noble que le roi ; il aime bien à ne rien faire, & se donner du plaisir. » (Moyen de parvenir, p. 359)

    Je t’ay ja dit que j’estois gentilhomme,
    Né pour chommer, & pour ne rien sçavoir.

    Chacun d’eux resolut de vivre en Gentilhomme,
    Sans rien faire.

    « Ton état ? — Gentilhomme. — Que fais-tu ? — Rien. » (Chamfort, Le Marchand de Smyrne)

  3. Comme nê diâ. Voyez ci-dessus, p. 108, note sur la l. 4 de la p. 66,