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ASSOCIATIONS OUVRIÈRES DANS LA GRANDE-BRETAGNE.

qui avait acheté du cuivre perforé à la mécanique pour le doublage des navires, se vit obligé de livrer son cuivre aux foreurs, qui, prétendant avoir seuls le droit de le travailler, se firent ainsi payer un ouvrage auquel ils n’avaient pas touché. — Nous apprenons que, tout récemment, des manufacturiers de Sheffield ont déclaré ne pas oser introduire dans leurs ateliers une certaine machine qui, imitant la plupart des mouvements exécutés à la main dans la fabrication des linges, aurait permis de produire cet article à bien meilleur marché. Le résultat de ce refus, sera probablement de transférer tôt ou tard à Manchester le centre de cette fabrication. — Les corsetières de Kettering se mirent dernièrement en grève pour empêcher l’introduction de machines à coudre dans leur industrie ; et la sympathie qu’elles ont excitée fut si générale, que leur grève fut soutenue par des souscriptions provenant de la manufacture même des machines à coudre.

Dans sa lutte contre le capital, le travail n’a pas été invariablement vaincu, ainsi qu’il a été affirmé dans quelques plaidoyers. Aux exemples déjà produits du contraire, nous en ajouterons quelques autres dans un but purement historique. Ainsi nous mentionnerons la double grève en 1848 des ouvriers en bâtiment, pour obtenir la fermeture de leurs chantiers, le samedi à partir de quatre heures du soir, et pour une augmentation de paye de douze sous par jour. Preuves encore : l’issue en 1859, des grèves des constructeurs de navires, sur les ateliers de la Tyne et la Wear, des cordonniers de Northampton et des ouvriers en construction de Dublin. Il est aussi arrivé que battus dans une première grève, les ouvriers ont fait de nouvelles propositions, que les maîtres se sont hâtés d’accepter, peu soucieux de remporter une seconde victoire, qui aurait pu leur coûter aussi cher que la première. Dernièrement, on a pu lire dans nos journaux de Paris l’entre-filet suivant :

« On craint à Londres une grève dans la boulangerie. Les geindres de Londres travaillent quinze heures par jour ; ils voudraient pour le même salaire ne travailler que douze heures. Cette prétention est à coup sûr fort raisonnable, surtout quand on considère leur pénible labeur et l’insalubrité de leur métier, qui est, entre parenthèses, un des plus malpropres qui existent. Pourquoi cacher ce déplorable fait, quand il existe des pétrins Roland, des pétrins mécaniques de toute espèce ?

Les journaux anglais donnent généralement tort aux patrons, qui semblent ne vouloir accorder aucune concession. Les habitants de Londres se réveilleraient-ils un jour sans avoir le moindre petit pain à se mettre sous la dent ? Cela pourrait bien arriver.

Il y a quelques années, les cochers de Londres s’étant mis en grève pendant vingt-quatre heures, il ne circula dans l’immense capitale aucune voiture publique. On peut se figurer la perturbation causée par cet incident.