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ASSOCIATIONS OUVRIÈRES DANS LA GRANDE-BRETAGNE.

tant qu’il ne sera pas propriétaire de tout ou partie du sol qu’il habite et qu’il cultive ;

4o Association pour la production de tous articles que les associés trouveraient plus de bénéfice à fabriquer eux-mêmes qu’à acheter en gros ;

5o Emploi de partie des bénéfices à la fondation d’écoles, de bibliothèques, de salons de lecture, etc. ;

6o Fondation, soit d’une colonie, soit d’une maison commune, avec un Temperance Hotel ;

7o Secours fraternel à porter à toutes les associations analogues ;

8o Harmonie à établir entre la production et la répartition, entre l’instruction des citoyens et leur influence politique ;

9o Fondation dans la mère patrie, d’une association basée sur la communauté des intérêts.

On le voit, la réforme doit être radicale. Point elle ne procède par amendements dans les détails, et par superfétations successives, comme cela se pratique généralement en Angleterre, mais elle pose hardiment un principe nouveau duquel devra germer une société nouvelle. La conception tout entière découle de la théorie de la Self-supporting Community, du grand réformateur Robert Owen, théorie qui, chauvinisme à part, nous semble dans le génie socialiste français, ou plutôt dans le génie gaulois ; car Owen, né dans le pays de Galles, était, nous le supposons du moins, de souche bretonne, comme d’ailleurs son nom paraît l’indiquer. — Du reste, ce plan est d’autant plus remarquable que, dégagé de toute extravagance philosophique, il se limite strictement au domaine économique et moral, et reste sur le terrain des faits pratiques, le seul où il puisse prendre racine.

Telles furent les clauses organiques de la constitution que se donna, en octobre 1844, la Société des Rochdale Equitable Pioneers. On le devine, remarque M. le professeur Huber dans son précieux Traité sur les Associations industrielles, ces pauvres tisserands n’empruntaient pas précisément leur nom de pionniers aux sapeurs du génie militaire. Avec un noble instinct de l’avenir, ils se comparaient plutôt à ces avant-coureurs de la civilisation, les hardis émigrants, abandonnant l’Ancien Monde et ses malheurs et ses misères pour aller se créer une meilleure patrie dans les forêts vierges et dans les prairies lointaines d’un continent nouveau.


L’entreprise fut définitivement constituée par vingt-huit fondateurs souscrivant vingt-huit actions de 25 francs chacune, réalisables par souscriptions hebdomadaires de quatre à six sous. — Quand le capital social fut en partie réalisé, on loua une chambre, on y transporta le sac de farine, puis quelques morceaux de sucre. Un épicier voisin prétendit vouloir emporter tout le fonds de la boutique en une brouettée. Le 10 novembre