Page:Revon - Anthologie de la littérature japonaise, 1923.djvu/194

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ses regards vers Fouji-tsoubo (« Chambre des Glycines »), une nouvelle concubine que l’empereur avait prise parce qu’elle lui rappelait la pauvre Kiri-tsoubo. Incapable de maîtriser sa passion, Ghennji finit par avoir avec elle des rapports d’où naît un fils, que l’empereur croit légitime, et qu’il désigne comme prince héritier lorsqu’il abdique en faveur d’un demi-frère aîné de Ghennji. Cependant, Aoï no Oué étant morte, Ghennji se remarie avec une nièce de Fouji-tsoubo, l’idéale Mouraçaki no Oué. Mais, la perfection même ne pouvant le fixer, il fait bientôt la cour à Oboro-zouktyo, une concubine du jeune empereur, ce qui entraîne sa disgrâce ; il s’exile alors à Souma, village situé au bord de la mer, à trente lieues de la capitale, puis, sur la même côte, à Akashi, où un prêtre, ancien gouverneur de la province, lui offre sa fille, Akashi no Oué ; enfin, on l’autorise à rentrer à la cour. Là-dessus son fils naturel devient à son tour empereur. Instruit de sa naissance, il nomme Ghennji premier ministre et le comble d’autres honneurs. Mais, par un juste retour des choses, un certain Kashiwaghi séduit la princesse Nyoçan, sa concubine préférée, laquelle met au monde un fils, le prince Kaorou, qui passe pour le fils de Ghennji. Sur ces entrefaites, Mouraçaki no Oué, que son époux volage n’a pourtant jamais cessé d’aimer, meurt après une longue maladie. Ghennji, désespéré, se retire loin du monde, et succombe à son tour, dans sa cinquante et unième année. Le chapitre xli, qui eût dû raconter sa mort, ne se compose que du titre : Koumogakouré, « la Disparition dans les nuages[1] ». — Le prince Kaorou et le prince Nïo-ou, petit-fils de Ghennji par Akashi no Oué, sont les héros de la dernière partie du roman. Kaorou, moins heureux que son père putatif, ne peut faire la cour à une femme sans que Nïo-ou la lui enlève. Pourtant, il arrive à supplanter son rival auprès d’une certaine Oukifouné ; mais Nïo-ou se glisse de nuit chez cette dernière, qui le prend pour Kaorou, et qui, s’apercevant trop tard de son erreur, veut d’abord se noyer, en est empêchée par un bonze, et entre enfin dans un monastère où Kaorou, qu’elle aime cependant toujours, se heurte à sa ferme volonté de ne plus revoir le monde des vivants[2]. — On pourra trouver que ce récit dépeint une société peu morale. Nul doute sur ce point ; mais il ne faudrait pas

  1. Expression employée pour désigner la mort d’un empereur ou de quelque autre grand personnage.
  2. Cette simple analyse suffit à montrer que la dernière partie du roman ne se lie guère à la précédente. Gbenoji mort, le récit ne présente plus d’intérêt. Il est donc fort possible que ce supplément final ne soit pas de Mouraçaki, mais de quelque fidèle admiratrice de son style. Dans sa fameuse imitation du Ghennji (ci-dessous, p. 338), Tanékiko passera sous silence toutes ces aventures de Kaorou.