Page:Revon - Anthologie de la littérature japonaise, 1923.djvu/197

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qu’elle fût autorisée à partir. Alors, pour laisser son souvenir, la jeune femme ne prit pas avec elle l’enfant impérial. Elle quittait le palais, regardant en arrière. L’empereur était désespéré ; mais il ne pouvait la retenir davantage. Il se demandait ce qu’elle allait devenir après son départ. Il regrettait de la voir, naguère si belle, maintenant maigre et pâle. Pour elle, s’efforçant de cacher sa douleur, elle causait encore avec lui comme si elle n’avait éprouvé aucune souffrance. Lui, pensait au présent et à l’avenir. Il lui parlait avec tendresse : « Le chemin de ma vie, comme le vôtre, est limité ; je n’aurais pas voulu que vous y avanciez sans moi ; partirez-vous donc ainsi ? » Elle répondit :

« Il est triste
Que ce chemin nous sépare ;
C’est la destinée !
Je voudrais pourtant vivre
Cette vie (avec vous) ! »

Elle improvisa ces vers avec courage ; mais sa respiration était entrecoupée : elle paraissait souffrir beaucoup. L’empereur ordonna à des prêtres éminents de commencer le jour même un exorcisme[1]. Cela fait, il prit congé d’elle et rentra dans ses appartements. Étendu sur sa couche, il se sentait la poitrine lourde et n’arrivait pas à s’endormir. À plusieurs reprises, il envoya aux nouvelles. Un peu après minuit, un messager arrive en pleurant « Madame vient d’expirer. » L’empereur demeura dans sa chambre. Il ne savait que faire. L’enfant, ne comprenant pas ce qui se passait, voulait sortir pour embrasser sa mère. Toute la suite impériale, touchée de ce spectacle, versait des pleurs. Mais on ne pouvait se laisser aller à des larmes sans fin. Alors, on la mit au cercueil, suivant la règle bouddhique. Toute séparation est lamentable, et celle-ci l’était singulièrement.

La mère suivit les funérailles. Elle aurait voulu disparaître avec sa fille, dans une même fumée[2]. Une voi-

  1. Comp. p. 188, 202, 210, 213, etc.
  2. La crémation avait été introduite, à la suite du bouddhisme, vers l’an 700. On mettait simplement le cercueil sur un bûcher.