Page:Revon - Anthologie de la littérature japonaise, 1923.djvu/204

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Elle se mit à sangloter ; et à cette vue, Ghennji fut ému de sympathie. La petite fille, toute jeune qu’elle fût, la regarda, puis, baissant les yeux, pencha la tête ; en sorte que sa chevelure, étalée, apparut dans toute sa splendeur[1].

La religieuse reprit :

Il ne faut pas que disparaisse
La rosée[2] qui nourrit
La jeune herbe,
Qui ne sait où sera la demeure
Où elle croîtra !

« C’est bien vrai, » dit l’autre suivante[3] ; et avec des larmes, elle répondit :

Tant qu’elle ignore
Quelle sera la fin de la croissance
De la jeune pousse d’herbe,
Comment la rosée
Pourrait-elle disparaître ?

À ce moment arriva l’évêque[4] : « Vous êtes exposées aux regards de tout le monde. En cet endroit, vous êtes vraiment trop en vue. Je viens d’apprendre que Ghennji, le général de la garde, s’est rendu chez le sage d’à côté[5] pour subir un exorcisme. Comme il est venu incognito, je ne savais pas qu’il fût si près, et je ne suis pas encore allé le saluer. En effet, dit la religieuse, il serait hon- teux qu’on nous vit en cet état négligé ! » Et elle bätssa le store. « Je vais donc, dit l’évêque, voir ce brillant prince Ghennji, dont on parle tant. Même pour un bonze qui a renoncé au monde, c’est une de ces choses qui font oublier les tristesses de la vie et qui rajeunissent. » Il se leva. En entendant le bruit de ses pas, Ghennji revint au monastère[6].

(Chap. V, Waka-Mouraçaki.)
  1. Ce que les Japonais admiraient le plus chez la femme, c’était la beauté de la chevelure. À défaut d’autres indices, qui d’ailleurs sont innombrables, le présent récit suffirait à l’établir.

  2. Ici, la religieuse.
  3. Par opposition à la nourrice.
  4. Sózou, le second rang dans la hiérarchie bouddhique.
  5. Un ascète qui était le frère aîné de l’évêque.
  6. Pour la suite de cette aventure, voir ci-dessus, p. 141, n. 3.