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c. — CONTES POPULAIRES

LE KONNJAKOU MONOGATARI

Les anciens contes du xe siècle avaient été, avant tout, des récits pour les délicats : le Takétori Monogatari, malgré le caractère étranger de son merveilleux, se passait à Kyôto, entre gens de la cour ; le Icé Monogatari n’était guère qu’un tissu de poésies élégantes ; le Yamato Monogatari lui-même, avec ses vieilles légendes du pays, était destiné à des lettrés. Ce genre aristocratique avait atteint son point culminant, sur la limite du xe et du xie siècle, avec le Ghennji Monogatari. Le Konnjakou Monogatari, paru en plein xie siècle, nous offre maintenant des contes populaires, à un double titre : car, d’une part, ils font une place à la vie des bourgeois et du peuple, et d’autre part, ils sont écrits, sans aucune recherche, dans la langue vulgaire qu’on parlait alors.

Le Konnjakou Monogatari est un recueil de « Contes d’il y a longtemps[1] », composé par Minamoto no Takakouni (1004-1077)[2], qu’on connaît aussi sous le nom d’Ouji Daînagon, le « premier sous-secrétaire d’État d’Ouji », parce qu’il possédait une villa en cet endroit[3]. Très corpulent, il s’y réfugiait toujours avec bonheur pour fuir les chaleurs de l’été ; et là, dit-on[4], caché dans une auberge voisine, derrière un paravent, il s’amusait à noter toutes les histoires que racontaient les passants. Son recueil n’en contient pas moins nombre de récits livresques : sur une trentaine de volumes, un tiers sont consacrés pour moitié à des fables hindoues, où interviennent notamment des

  1. Nous avons vu que tous les chapitres du Icé Monogatari commençaient par le mot Moukashi, « Il était autrefois ». Les contes du Konnjakou Monogatari débutent par l’expression Ima wa moukashi, « Maintenant, c’est du passé », c’est-à-dire : « Il y a bien longtemps ». Kon et jakou étant les équivalents chinois d’ima (maintenant) et de moukashi (autrefois), on s’explique ainsi le titre de l’ouvrage.
  2. Fils de Toshikata, l’un des Shi-nagon (ci-dessus, p. 122, n. 1).
  3. Non loin de Kyoto, sur la route de Nara.
  4. C’est ce que relate la Préface du Ouji Shouï Monogatari, « Contes faisant suitę (au recueil) d’Ouji », ouvrage publié au commencement du xiiie siècle et dont l’auteur anonyme se contente d’ailleurs souvent de répéter sous une forme nouvelle les histoires de Takakouni.