Page:Revon - Anthologie de la littérature japonaise, 1923.djvu/206

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animaux, pour une autre moitié à des légendes chinoises. Mais le resto de l’ouvrage, où revivent les classes inférieures du pays, renferme maints détails précieux pour l’histoire, surtout en ce qui touche les superstitions du temps. Le récit suivant va nous narrer une anecdote bien connue, souvent illustrée par l’art japonais[1].

hiromaça visite sémimarou

Il y a bien longtemps, vivait un homme du nom de Minamoto no Hiromaça Açon[2], qui était fils du ministre de la guerre, prince Yoshi-akira, lui-même fils de l’empereur de l’ère Enngi[3]. Il était versé en toutes sortes de choses, surtout dans la musique ; il jouait fort bien du luth[4], fort bien de la flûte. Il fut un des dignitaires admis au Palais[5]sous l’empereur Mourakami[6]. À la même époque, près de la Barrière d’Ohçaka, dans une hutte qu’il s’était bâtie, demeurait un aveugle du nom de Sémimarou[7]. Il était au service du ministre des cérémonies, prince Atsoutané. Ce prince, fils de l’ex-empereur devenu bonze[8], Ouda, était extrêmement habile à l’art musical ; en sorte que Sémimarou, en l’écoutant souvent jouer du luth, parvint lui-même à y exceller.

Hiromaça, qui désirait se perfectionner dans cet art, apprenant qu’il y avait à la Barrière d’Ohçaka un aveu-

  1. D’après E.-H. Parker, ce récit serait une légende d’origine chinoise ; mais il est fort possible aussi que les mêmes circonstances réelles ou les mêmes inventions littéraires se soient produites dans les deux pays, étant donné que tous les arts, au Japon, depuis la poésie jusqu’aux industries manuelles, faisaient l’objet d’un enseignement ésotérique, d’une « tradition secrète » (hidenn) dont on ne révélait pas aisément les mystères intimes » (okoughi).
  2. Açon, titre honorifique très fréquent à la cour. — Ce personnage est connu aussi sous le nom de Hakougha no Sammi, « le fonctionnaire du troisième rang Hakougha (Hakougha, équivalent sino-japonais de Hiromaça).
  3. L’empereur Daigo, dont le règne (898-930) fut particulièrement brillant sous l’ère Ennghi (901-923).
  4. Biwa, luth tétracorde.
  5. Un des dennjó-bito. Comp. ci-dessus, p. 182, n. 1.
  6. 947-967.
  7. Voir ci-dessus, p. 113, où la Barrière d’Ohçaka est chantée justement par Semimarou.
  8. L’expression plus concise de Hô-ô, « empereur-bonze ». désignait les empereurs qui, après avoir abdiqué, se rasaient la tête et entraient en religion.