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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1915.djvu/488

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REVUE PÉDAGOGIQUE

Qu’eût été cette œuvre ? nul, même des meilleurs amis d’Albert Thierry, ne peut le dire ; car il observait avec eux, à ce sujet, une réserve presque farouche. Peut-être avait-il conscience de l’étrangeté, de l’obscurité parfois de son âpre et violent symbolisme. Peut-être aussi mettait-il trop de lui-même en ses écrits pour pouvoir en faire aisément confidence. Mais l’Homme en proie aux enfants, publié dans les Cahiers de la quinzaine, la série d’articles sur l’Éducation syndicaliste, donnés à la Vie ouvrière, les Nouvelles de Vosges, parues dans l’École rénovée, des potmes, des contes parus dans la Vie et dans la Grande Revue attestaient déjà l’originalité de son talent[1]. Ceux qui l’avaient goûté et qui en attendaient beaucoup ne sauront que plus tard, quand des soins pieux auront recueilli et livré à leur admiration quelques-unes au moins des œuvres achevées qu’il laisse, tout ce que les lettres françaises viennent de perdre.

Si peu qu’Albert Thierry ait livré au public, sa pensée pourtant s’est fait connaître. Franche et hardie, elle se donnait sans restriction, sans réticence. Et peut-être n’eût-il souhaité d’autre hommage pour son œuvre inachevée qu’une attention sérieuse et cordiale aux idées qui lui étaient chères.

Ce serait trahir cette pensée si riche et toujours en mouvement que de vouloir la fixer dans la rigueur d’un système. Albert Thierry n’avait point dans l’esprit un cortège harmonieux et symétrique d’idées heureusement enchaînées, mais un peuple nombreux, frémissant, agité de remous profonds, groupes mouvants qui parfois se heurtaient, se dressaient, s’affrontaient dans une lutte douloureuse, Pourtant, sous cette diversité et ce bouillonnement, des points fixes subsistaient, des pôles d’attraction qui, si forte que fût la tempête, parvenaient toujours à reformer l’équilibre, On peut dire que le fond stable de la pensée d’Albert Thierry était la doctrine de la Révolution française, telle que l’a formulée la Déclaration des Droits de l’homme, prolongée par une morale syndicaliste et achevée par une religion ou plus exactement une mystique d’inspiration chrétienne. Son point de

  1. Sous l’inspiration et lu direction de M. Paul Desjardins, fondateur de l’Union pour la Vérité, Albert Thierry à publié le Calendrier manuel des Serviteurs de la vérité, anthologie historique et critique où des textes excellemment choisis proposent des thèmes de méditation pour chaque jour.