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réfutation des arguments de Scala. Épictète n’est point obscur ni faux, puisque toute sa doctrine se justifie par ces vérités fondamentales de la distinction de l’âme et du corps et de la valeur en soi de l’âme raisonnable ; tout au plus pourrait-on lui reprocher la concision de ses préceptes. Mais c’est un code de lois qu’il prétend donner dans ce petit Manuel, il n’a point l’intention de combattre par des plaidoyers[1]. Il remplit donc fidèlement son rôle ; et de même que les mathématiciens ne cherchent point à démontrer les principes sur lesquels ils s’appuient, de même Épictète ordonne son livre de telle sorte qu’il considère comme accepté ce qui a été démontré par Platon, et que de là il tire toute la série de ses préceptes[2]. Du reste, rien de plus net, de plus substantiel que ces règles de vie, rien de plus lucide, et il n’est nul besoin, pour y voir clair, des yeux de lynx d’un Scala, il suffirait de ceux d’un simple[3].

Le programme d’Épictète n’est point non plus au-dessus des forces humaines ; sur ce point, Politien est peut-être moins heureux. Ce ne sont que des exemples qu’il peut alléguer en réponse aux accusations de Scala, exemples qu’il va chercher dans le Manuel lui-même. Qu’y a-t-il d’irréalisable pour les forces humaines de penser à la mort, à l’exil, à la perte d’êtres chers, et de nous y préparer en y pensant ?… De penser, en somme, à ce qui va nous arriver. Tout ce qui arrivera au delà de notre espoir ne sera-t-il pas un gain ? Quoi d’inhumain encore à aimer comme des êtres mortels, femme, fils, époux, pour ne pas être troublé par leur mort ? Sans doute, la nature nous commande les larmes et il est difficile de nous en abstenir, mais puisque nous trouvons des exemples de sages impassibles, Solon, Caton, etc.,

  1. Cf. Lettre citée « Præcepta enim hoc libello tradit et quasi leges promulgat, non contentionibus pugnat, suus cuique… »
  2. Ibid. « Vides ut Mathematici demonstrationum suarum principia non probent sed earum patrocinium ei, quem primum philosophum dicimus commendent. Ergo et Epictetus hunc ita libellum orditur, ut quod a Platone probatum sit, pro concesso accipiat, que eo omnem præceptorum seriem intertexat. »
  3. Ibid. « Obscurus igitur, aut perplexus noster Epictetus quo neque planius quicquam neque enucleatim, neque etiam lucidius ne optare quidem ausis. Ut in eum ne dum tui isti lyncei oculi, sed vel hebetissimi quique inspicere possint. »