Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1781, tome 1.djvu/475

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rapprocher très-près l’un de l’autre, pour que les deux parties des bourgeons réunies n’en forment qu’un seul ; les mettre toutes deux dans la fente faite à l’arbre que l’on veut greffer ; bien réunir les lèvres de l’écorce, & prendre garde que les bourgeons ne se séparent ; enfin, lier & traiter cet écusson comme les autres. Il arrivera nécessairement qu’on en manquera beaucoup ; mais une seule greffe qui réussiroit sur cent, ne dédommageroit-elle pas bien amplement de la peine qu’on auroit prise ? Si nous conseillons d’opérer sur l’amandier, c’est que cet arbre vient très-vite, & on jouit plus promptement. On peut, si l’on veut, également essayer sur les autres arbres. C’est en opérant de cette manière qu’on s’est procuré l’oranger hermaphrodite, c’est à-dire, celui dont le fruit a une côte orange & une côte citron ; les deux chairs, les pepins & l’écorce sont bien distincts ; quelquefois ce fruit est moitié orange & moitié citron. Le raisin suisse a eu la même origine ; il offre un grain noir & un grain blanc, & quelquefois la moitié du même grain est blanche, & l’autre moitié est noire.

Il faut avoir l’attention de ne pas greffer ainsi un amandier avec un pêcher tardif, parce que la végétation de celui-ci est plus tardive que celle de l’autre, & dès-lors les boutons de l’écusson ne végéteroient pas dans le même tems. On peut donc essayer de marier, par exemple, l’abricot précoce, l’abricot blanc avec l’amandier ; & pour tous les autres arbres, se conformer au tems de la végétation des boutons : c’est un point essentiel.

IV. Du terrain propre à l’amandier. Les provinces septentrionales de France sont déjà trop froides pour la culture en grand de l’amandier ; cette culture commence à être abondante depuis Valence jusqu’à la mer, & depuis Antibes jusqu’à Perpignan, parce que ces différentes provinces sont abritées par de grandes chaînes de montagnes, & elles sont autant de climats privilégiés. (Voyez au mot Agriculture, le Chapitre III, pag. 282, sur les effets des abris.) Dans la partie la plus chaude de la Provence, l’amandier y réussit mal ; & s’il en faut croire M. Lemery dans son Traité des Alimens, les amandiers transportés de Provence aux îles de l’Amérique, y sont devenus forts & vigoureux, & n’ont pas donné de fruit ; cependant ils réussissent en Barbarie. Cette singularité ne viendroit-elle pas de ce que le noyau ou l’arbre a été planté dans un terrain trop compacte ? Dans le climat où l’on peut cultiver l’olivier, il faut préférer cet arbre à l’amandier qui y fleurit trop tôt, & dont la fleur périt à la moindre gelée, ou par les effets d’un brouillard froid. Il semble que la nature a désigné l’emplacement convenable à l’amandier : là où l’olivier cesse de bien végéter, l’amandier trouve le climat qui lui convient. Quoiqu’on le cultive dans le territoire d’Aigle en Suisse, pays très-chaud pendant l’été, parce qu’il est abrité par les hautes montagnes de Gruyères, je doute que sur dix ans, il y ait une récolte décidée ; l’air glacial de ces montagnes influe nécessairement pendant les derniers jours d’hiver sur les bourgeons des fleurs trop impatientes à s’épanouir,