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moins que l’année ne soit séche ; 5o. que lorsque l’on veut semer sur un sol pauvre, il vaut mieux labourer à plusieurs reprises que d’écobuer ; 6o. enfin, que dans toutes les circonstances quelconques, il est essentiel d’enterrer le chaume aussitôt après la récolte, & d’enterrer les herbes aussitôt après qu’elles ont passé fleur, afin de multiplier le terreau ou terre végétale.

IV. Du tems de semer & comment on doit semer. Ici tout est relatif à la hauteur du climat que l’on habite, à l’intensité de la chaleur & du froid, à la durée de l’un ou de l’autre, &c. Il est clair, par exemple, que sur la grande chaîne des montagnes des Alpes qui commence à Vence, borde le Dauphiné, traverse la Savoye, va se confondre avec celles des Monts-Jura, de Franche-Comté, delà avec les Vosges de Lorraine ; (Voyez Pl. 6. p. 267, tom. I.) il est clair, dis-je, que la neige, les gelées, feroient périr le grain en terre si on semoit avant l’hiver. Ainsi le mois de Février, qui sert d’époque pour la plus grande partie du royaume, est une époque nulle pour ces pays hauts & montagneux, où l’on peut, tout au plus, commencer à ouvrir la terre à la fin de Mars ou dans le mois d’Avril. Cette époque est l’extrême ; mais chacun en prenant une graduation relative à son pays, découvrira la véritable époque à laquelle il doit semer.

Prenons actuellement un exemple dans un climat tout opposé : la Basse-Provence, le Bas-Dauphiné, & le Bas-Languedoc, vont le fournir. La chaleur du climat oblige de semer du 15 Octobre au 15 Novembre. Si l’on attendoit le mois de Février ou de Mars, le grain ne produiroit qu’une tige, parce que la chaleur avanceroit trop sa végétation, & la plante se hâteroit de monter en épi. Les pluies sont très-rares pendant ces deux mois, au lieu qu’en semant à la fin de Septembre, les racines ont le tems de travailler pendant les mois d’hiver, ordinairement assez tempérés, & il en sort des drageons multipliés qui donneront des tiges. De ces deux extrêmes venons aux climats intermédiaires.

On ne risque rien de semer avant l’hiver dès qu’on ne craint pas que les terres soient inondées, ou que la rigueur du froid fasse périr la plante. Toutes circonstances étant égales, il est constant que l’avoine d’hiver donne une récolte, & plus belle & plus sûre que celle des avoines semées en Février ou en Mars, qu’on nomme avoines printanières. Les racines ont travaillé pendant l’hiver, elles ont acquis de la force, de l’embonpoint, & les tiges en profiteront, à moins que les effets des météores ne s’y opposent ; dès lors on est sûr d’avoir un grain mieux nourri & plus abondant, surtout parce qu’il aura plus de moyens pour résister aux chaleurs & à la sécheresse du printems & de l’été.

Dans la majeure partie des cantons qui avoisinent Paris, on sème en Mars & même jusqu’au milieu d’Avril, parce qu’il y pleut souvent ; dans la Basse-Normandie, du côté de Rouen, on est dans le même cas ; ainsi les semailles tardives y réussissent. Cet exemple ne doit pas influer sur les autres provinces, à moins que certains cantons ne soient