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dans les mêmes circonstances. L’expérience a donné lieu à ce proverbe, plutôt en terre, plutôt hors de terre, & on ne doit pas oublier celui-ci, avoine de Février remplit le grenier. Il faut donc profiter, autant qu’on le peut, des premiers jours aussitôt que le froid est passé, & que la terre est en état de recevoir la semence pour semer les avoines.

Comment faut-il semer ? Je demande qu’on me pardonne de citer souvent des proverbes. Ces expressions, ou ces sentences n’auroient pas passé en proverbe si elles n’étoient pas fondées sur l’expérience & sur la vérité. Il faut un homme alerte pour semer les avoines, & un homme lent pour semer l’orge, c’est-à-dire, qu’il est absurde de semer l’orge aussi dru que l’avoine ; il est aisé de sentir sur quoi ce proverbe est fondé, si on considère combien un pied d’avoine est garni de chevelus. Les pieds, trop près les uns des autres, s’épuiseront mutuellement. Semez donc clair, & ne perdez jamais de vue ce proverbe, qui sème dru récolte menu, qui sème menu récolte dru. Cependant, dans beaucoup d’endroits, on sème un sixième de plus d’avoine que d’orge.

J’ai vu dans plusieurs provinces du royaume, une manière de semer l’avoine qui me paroît abusive. Je parle des semailles de Février, de Mars ou d’Avril. On a donné avant l’hiver plusieurs labours, & depuis le dernier, jusqu’à celui du moment de semer, la terre a eu le tems de se resserrer par l’effet des pluies. Le labour que l’on va donner pour semer ne produira donc pas autant d’effet que s’il avoit été précédé d’un autre labour un mois auparavant, si la gelée ou la trop grande humidité n’empêchent pas de travailler la terre. C’est jusqu’à présent le moindre mal.

Sur cette terre durcie & tapée par les pluies, on répand le fumier, on sème le grain & on laboure par-dessus, de manière que le labour doit enterrer & le fumier & le grain. Cette méthode a deux défauts essentiels. 1o. Jamais tout le fumier n’est enterré, quelqu’habile que soit la main du laboureur ; les principes du fumier non-enséveli sont perdus, au moins dans leur majeure partie ; la chaleur du soleil les desséche, fait évaporer leurs principes, & il ne reste plus qu’une paille séche & aride. J’en ai fait l’expérience chimique. 2o. Une partie du grain est trop enterrée, & l’autre reste sur la surface du sol & sert de nourriture aux oiseaux, aux mulots, &c. Pourquoi ne pas semer sur les sillons mêmes, & ensuite passer la herse ? (Voyez ce mot) Il est surprenant que cet instrument ne soit presque pas connu dans nos provinces méridionales.

Il existe presque partout deux autres abus plus nuisibles que les premiers. On sème l’avoine sans l’avoir passé à la chaux, ainsi qu’on le pratique pour les blés ; cependant ce grain est aussi sujet au noir ou charbon que le froment ; & l’on verra aux articles charbon & froment, les dangereux effets qui résultent des semences non chaulées.

Le second abus consiste à semer les avoines telles qu’elles sortent du grenier. J’ai eu la curiosité d’examiner cette avoine dans différentes provinces, de faire apporter un vase plein d’eau, d’y jeter, en pré-