Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1782, tome 2.djvu/441

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renversées, y sont sujettes, & la production paroît toujours au-dessus de la ligature, du côté des feuilles, comme en C, quoique dans cette situation renversée elle semble être au-dessous.

Pour peu que l’on se soit promené dans les bois & dans les taillis où il croît beaucoup de chèvre-feuille, on a sans doute remarqué très-souvent que cet arbuste cherchant un point d’appui sur les branches voisines, s’entortille autour d’elles en forme de spirale. L’arbre, ou la branche qui lui sert de soutien, venant à croître & à acquérir de la grosseur, les spirales du chèvrefeuille ne s’écartent & ne cèdent pas en proportion ; au contraire, elles semblent se resserrer plus étroitement. Alors il se forme un bourrelet en spirale qui devient de plus en plus considérable, au point quelquefois qu’il recouvre presqu’entiérement le chèvre-feuille qui l’a formé. J’ai vu des cannes ou bâtons dont les spirales produites par de pareils bourrelets, étoient très-régulières, & faisoient au moins sept ou huit révolutions. L’on remarquera encore que le bourrelet occupe toujours la partie supérieure.

Quelle peut être la cause de cette singulière production, & quelle est sa formation ? Pénétrons dans son intérieur, & nous y lirons le secret de la nature. Si l’on coupe horizontalement un bourrelet provenu sur une plaie faite à un arbre, on verra toutes les fibres corticales (Fig. 8.) s’approcher mutuellement les unes des autres, en formant une espèce de volute AA. La convexité de cette volute appuie sur le bois sans y adhérer, & ne forme point corps avec lui. Si le bois se trouve carié ou gâté dans cet endroit, la plaie ne se ferme point ; il s’y forme une gouttière dans le genre de celles que les jardiniers appellent œil de bœuf. Si la section se fait perpendiculairement, on apperçoit dans l’épaisseur plusieurs mamelons ligneux A B C D E F (Fig. 9.) qui tendent du centre, c’est-à-dire, du faisceau des fibres ligneuses qui composent le bois. Ces mamelons se propagent à travers la substance du bourrelet, qui est bien différente de celle du bois, non-seulement pour la couleur, mais encore pour la solidité & la direction des fibres corticales & ligneuses qui la forment. Quand le bourrelet naît à la partie supérieure de la plaie ou de la ligature, les volutes des fibres se roulent de haut en bas ; quand il est placé perpendiculairement, les volutes sont horizontales, inclinées cependant de manière qu’elles paroissent toujours naître de la partie la plus élevée. Le bourrelet est-il informe & n’offre-t-il rien d’exact & d’uniforme à l’extérieur ? son anatomie fera facilement appercevoir qu’il s’est formé un étranglement, une obstruction qui a fait refluer les sucs, la séve, la matière ligneuse dans la direction constante de haut en bas.

Cette direction annonce clairement quelle est la cause qui l’a produite. La séve (Voyez ce mot) ne circule pas comme le sang : elle est double ; & des expériences certaines apprennent qu’il y a deux séves ; l’une ascendante, qui s’élève des racines aux feuilles ; & l’autre descendante, qui coule des feuilles aux racines. La séve descendante