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est la seule qui agisse dans cette occasion. Quand elle descend des feuilles, à travers les fibres ligneuses & corticales, pour aller nourrir les racines, vient-elle à rencontrer tout d’un coup une interruption sur sa route, occasionnée, ou par le retranchement de ses canaux ordinaires, ou par un étranglement d’une autre ligature, alors elle se dépose, & reflue sur elle-même à la fin de sa course, apportant sans cesse de nouveaux principes & de la substance nutritive ; elle engorge les vésicules, les distend, développe toutes les fibrilles, leur fait acquérir de l’étendue, & par ses dépôts successifs, empêche leur rapprochement. (Voy. le § III du mot Accroissement, tom. I, pag. 228). Comme ces fibres sont liées à leur extrémité par un gluten naturel, leur développement se fait par une espèce de roulement, de volute, de repliement qui leur fait prendre la forme que l’on voit Figure 8. Les lèvres du bourrelet prenant de l’étendue, viennent enfin à se joindre, & produisent la cicatrice de la plaie. Quand c’est une simple ligature, le bourrelet, à la longue, vient à bout de couvrir presqu’entiérement le lien qui l’a occasionné.

Rien ne prouve mieux que c’est à la séve descendante qu’il faut attribuer les bourrelets, que l’expérience imaginée par M. Duhamel. Il recourba les branches des jeunes ormes, de façon que leur extrémité chargée de feuilles pendoit vers la terre, & que le tronc principal de ces branches étoit à peu près parallèle à la tige qui les portoit. (Fig. 7) Il retint ces branches dans cette situation renversée, en les liant à la tige menue, & ensuite il fit des incisions & des ligatures C à l’écorce de ces branches. Leur situation renversée n’occasionna aucun changement à la formation du bourrelet ; & il étoit tel qu’il auroit été si les branches étoient restées dans leur situation naturelle : le gros bourrelet étoit toujours du côté de l’extrémité des branches. En effet, la séve aérienne ou descendante, entrant par les feuilles E, & descendant le long de la tige, rencontre la ligature ou l’incision C, & ne pouvant passer outre, elle produit nécessairement le bourrelet I supérieur, quoiqu’il paroisse inférieur.

II. Des bourrelets formés au-dessous des greffes. Lorsqu’on a greffé un arbre, par exemple, un pêcher, un pommier, il arrive presque toujours qu’à mesure que la nouvelle branche prend de l’accroissement, il se forme un bourrelet sensible à l’endroit de la greffe, qui grossit d’année en année, au point souvent qu’il devient énorme, épuise l’arbre, & lui procure des maladies qui le conduisent à la mort. Les arbres fruitiers y sont très-sujets : dès les trois ou quatre premières années il grossit considérablement, tandis que la tige reste à peu près dans le même état. Au bout d’une dizaine d’années, ce bourrelet, dont les progrès ont été si sensibles, & qui est devenu comme une couronne autour de la tige, commence à se fendre, la peau s’écaille, il se forme des gouttières, une humeur roussâtre suinte de tous côtés, l’arbre dépérit, les branches latérales meurent les unes après les autres, les perpendiculaires au tronc subsistent seules, l’arbre se couronne, les ex-